Les camions électriques pourraient être soumis à la RPLP

Le premier 40 tonnes à pile combustible du monde a été développé par des partenaires lémaniques.
Le premier 40 tonnes à pile combustible du monde a été développé par des partenaires lémaniques. Photo GOH!
Pierre Cormon
Publié le jeudi 25 avril 2024
Modifié le vendredi 26 avril 2024
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#Transports Les poids lourds à batterie ou à pile à combustible devraient être soumis à la redevance poids lourds dès 2031, propose le Conseil fédéral.

Les camions électriques sont plus présents dans les conversations que sur les routes. En 2022, ils étaient deux cent quatre-vingt-quatre en Suisse, qu’ils soient propulsés par une batterie ou une pile à combustible alimentée à l’hydrogène. Soit deux cents fois moins que les poids lourds roulant au diesel.
«La filière de l’hydrogène n’est pas encore mûre et il n’existe qu’une poignée de stations de recharge en Suisse», commente Andrea Genecand, vice-
président de la section genevoise de l’Association suisse des transports routiers (ASTAG).

«Quant aux camions à batterie, ils coûtent deux à trois fois plus cher à l’achat. Ils sont meilleur marché à l’usage, mais il faut rouler beaucoup, pendant environ huit ans, pour amortir le surcoût.» Avec la concurrence aiguë qui caractérise le transport routier, c’est un investissement difficile à faire.

Le Conseil fédéral est cependant convaincu que ces modes de propulsion finiront par s’imposer. Cela posera un problème financier à la Confédération. Les véhicules électriques sont exonérés de la redevance poids lourds (RPLP). S’ils se généralisent, les pertes sur les rentrées fiscales pourraient s’élever jusqu’à 1,6 milliard de francs pour la RPLP ainsi qu’environ 800 millions pour les taxes sur les huiles minérales. Cela alors même que l’évolution du parc de camions à moteur à combustion a déjà conduit à une diminution des recettes, affirme le Conseil fédéral. Les transporteurs se sont munis de véhicules moins polluants, moins taxés. La Confédération est cependant incapable de fournir des chiffres sur cette baisse.

Or, la RPLP a deux objectifs: favoriser le transfert de la route vers le rail et internaliser les coûts externes générés par le transport routier. Les véhicules électriques en engendrent également (contribution aux embouteillages, accidents, usure des routes, emprise au sol, etc.). Cela justifie leur assujettissement à la RPLP, estime le Conseil fédéral.

Il a mis en février un projet en consultation à cet effet. Les poids lourds électriques seraient soumis à la RPLP dans la catégorie de redevance la plus avantageuse dès le 1er janvier 2031. Pour encourager malgré tout leur acquisition, le Conseil fédéral propose soit des rabais pendant les cinq premières années, soit une contribution à l’acquisition de tels véhicules. Les camions respectant la norme Euro VI (actuellement la plus sévère), eux, seront déclassés.
Le projet «constitue une bonne base de discussion», a réagi l’ASTAG. Elle salue notamment la proposition d’une contribution à l’acquisition de véhicules électriques.

Elle insiste aussi sur la nécessité d’un cadre clair et prévisible. Les investissements dans des poids lourds sont en effet élevés et le retour se fait dans la durée. Si les conditions changent entretemps, toute la planification financière peut tomber à l’eau. C’est notamment le cas si la RPLP augmente sans que cela n’ait été annoncé suffisamment à l’avance. «Lorsque l’on fait ponctuellement des transports pour un client, la RPLP est facturée à part, et c’est lui qui prend l’augmentation en charge», explique Andrea Genecand. «Quand on a un contrat forfaitaire sur cinq ans avec un client et que la RPLP augmente entretemps, en revanche, il faut le renégocier et c’est toujours un exercice délicat.» Les augmentations devraient donc être connues au moins cinq ans à l’avance, durée habituelle des contrats forfaitaires.

Les véhicules électriques exigent une visibilité encore plus longue, au vu de la durée de leur amortissement. «Pour pouvoir renouveler nos flottes avec des camions électriques, nous avons besoin d’une visibilité d’au moins quinze ans, encore que l’idéal serait un cadre dont les règles soient connues jusqu’en 2050», estime Andrea Genecand. L’ASTAG propose donc un abattement de 50% de la RPLP pour les camions électriques entre 2031 et 2040, et de 25% entre 2041 et 2050.

Dans l’immédiat, les transporteurs vont faire face à de nouvelles charges, qui s’ajoutent à l’augmentation du carburant et des salaires. Les tachygraphes - les appareils de mesure pour la RPLP - arrivent en fin de vie. Les plus récents pourront être adaptés – comptez mille cinq cents francs. Les autres devront être changés – comptez trois mille francs. «Les coûts seront pris en charge par les entreprises de transport», précise Andrea Genecand.

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