Salaire minimum à Genève: un frein à la création d’emplois
Salaire minimum à Genève: un frein à la création d’emplois
Le secteur de l'hébergement et restauration est le plus concerné par le salaire minimum en Suisse.
Steven Kakon
Publié vendredi 20 juin 2025
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#Salaire minimum
Le salaire minimum n’a pas fait disparaître d’emplois à Genève, mais a ralenti leur croissance, avec des effets variables selon les secteurs, révèle une troisième étude sur le dispositif.
Le phénomène de suppression d’emplois tant redouté n’a pas eu lieu à Genève avec l’instauration du salaire minimum. Mais il a ralenti la création de nouveaux postes, révèle le troisième volet de l’étude menée par l’Université de Genève et la Haute école de gestion (HEG), présenté le 19 juin. L’analyse s’est limitée aux secteurs les plus exposés: ceux à bas salaires, représentant un peu moins de 11% des emplois genevois. Le salaire minimum, fixé à 24,48 francs de l’heure pour 2025, a des effets contrastés selon les filières. Les chercheurs ont comparé Genève à d’autres cantons sans salaire minimum en constituant deux groupes de contrôle: l’un opposant Genève au canton de Vaud, l’autre incluant Berne, Fribourg, Vaud et le Valais.
Davantage de temps partiel
Premier secteur passé sous la loupe: l’hébergement et la restauration, «le plus concerné par le salaire minimum en Suisse», commence José Ramirez, professeur à la HEG, co-auteur du rapport.
Si le salaire minimum n’a pas eu d’impact significatif sur le nombre d’emplois, il a en revanche eu tendance à réduire le taux d’activité moyen. «Le salaire minimum a un peu forcé les emplois à temps partiel», conclut-il. Le salaire minimum a eu pour effet de freiner la croissance des emplois occupés par des hommes sans affecter celle des emplois féminins.
La réalité est autre dans le nettoyage: le salaire minimum a réduit l’emploi et augmenté le taux d’activité moyen des employés. «On constate une intensification du travail, favorisée par le salaire minimum à cause de l’augmentation des charges pour les employeurs», commente Davide de Filippo, co-secrétaire général du Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs.
Selon José Ramirez, la tendance serait favorisée par la plus grande mobilité dont jouissent les employés actifs dans le nettoyage par rapport à ceux qui travaillent dans l’hébergement et la restauration, une entreprise basée dans le canton de Vaud pouvant par exemple proposer ses services dans le canton de Genève. Autre explication possible: ce secteur dépend fortement du nombre d’emplois présents localement. Pendant les deux années de covid, le télétravail s’est développé davantage à Genève que du côté vaudois. La surface de bureaux à nettoyer étant plus élevée à Genève, la comparaison entre ces deux cantons tend à surestimer cet effet, contrairement au groupe de contrôle qui inclut plusieurs autres cantons. Enfin, dans les domaines de la coiffure et des soins de beauté, les effets estimés sont très faibles et statistiquement non significatifs.
Côté patronal, Pierre-Alain L’Hôte, président de l’Union des associations patronales genevoises, s’interroge. «Ce qui ne se traduit pas dans une augmentation d’emplois passe-t-il dans un autre type d’économie?», s’interroge-t-il en faisant référence au travail au noir. «Les partenaires sociaux sont engagés aux côtés de l’Etat pour chasser ce type de pratique et tenter de réguler le marché du travail». Pierre-Alain L’Hôte affirme aussi que les associations patronales restent «attentives» face à la situation des entreprises qui ne sont plus établies à Genève, mais en région limitrophe pour échapper à l’application stricte du salaire minimum. Paru en septembre 2024, le deuxième rapport avait établi que le salaire minimum a globalement peu d’effet sur le parcours des chômeurs. Il bénéficie cependant légèrement plus aux femmes et pénalise un peu les jeunes. Le quatrième et dernier volet de l’évaluation portera sur l’effet du salaire minimum sur les salaires genevois. Il devrait être publié cette année, permettant ainsi d’avoir une vision complète des effets de la mesure sur le marché du travail du canton.
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