Certificat de travail: jusqu’où un employé peut-il le faire corriger?
Rédaction d’un certificat de travail: rappel de quelques principes juridiques.
Kevin Coelho
Publié mardi 18 novembre 2025
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#Droit du travail
Le Tribunal fédéral a récemment été amené à se prononcer sur une demande de modification d'un certificat de travail final délivré à un employé.
Le Tribunal fédéral a récemment été amené à se prononcer sur une demande de modification d’un certificat de travail final délivré à un employé1. Cette jurisprudence offre l’occasion de rappeler les principes juridiques encadrant la rédaction des certificats de travail, tout en précisant dans quelles conditions un salarié peut en demander la rectification.
I. Principes juridiques
Selon l’article 330a alinéa 1 du Code des obligations (CO)2, le travailleur peut solliciter à tout moment un certificat de travail auprès de son employeur. L’obligation de délivrance repose exclusivement sur la demande de l’employé, laquelle peut intervenir à n’importe quelle étape de la relation contractuelle: lorsqu’elle est formulée en cours d’emploi, il s’agira d’un certificat intermédiaire; lorsqu’elle est présentée à la fin du contrat ou ultérieurement, il s’agira d’un certificat final.
Dès que la demande est formulée, l’employeur est tenu de remettre un certificat complet. Celui-ci doit mentionner les éléments suivants:
la nature des rapports de travail (profession et fonction exercées);
la durée des rapports de travail;
la qualité de travail
la conduite du travailleur.
Ce certificat doit être rédigé avec objectivité et bienveillance, conformément à l’article 328 CO3. Il a pour vocation de faciliter la poursuite de la carrière du salarié tout en offrant au futur employeur une image fidèle de ses compétences et de son attitude4.
Il est impératif que le contenu reflète l’ensemble de la période d’activité, et non uniquement les derniers mois précédant la fin du contrat.
Enfin, le salarié est en droit de demander une rectification du certificat si celui-ci contient des éléments inexacts, ambigus ou insuffisamment clairs.
II. Situation du cas d’espèce
Un employé a exercé les fonctions de procureur auprès du parquet général du canton de Thurgovie du 15 septembre 2013 au 31 octobre 2021.
Anticipant le départ à la retraite de son supérieur hiérarchique, l’employé lui avait demandé l’établissement d’un certificat de travail intermédiaire, qui lui fut remis le 31 mai 2018. Le 23 juin 2021, l’employé a démissionné et a demandé un certificat de travail final. Non satisfait du certificat de travail final que l’employeur lui a remis, l’employé lui a demandé la modification de quatre passages de son certificat de travail final, à savoir:
l’ajout d’un paragraphe attestant d’une première expérience de direction;
un renforcement des termes relatifs à ses compétences juridiques;
une évaluation plus élogieuse de la qualité de son travail;
une appréciation personnelle plus favorable.
N’ayant pas obtenu les modification demandées, l’employé a agi en justice contre son employeur.
L’employé a porté l’affaire jusque devant le Tribunal fédéral, demandant que son ancien employeur soit contraint de lui délivrer un certificat de travail conforme à la version qu’il proposait. L’employé faisait notamment valoir son certificat de travail intermédiaire du 31 mai 2018.
En l’occurrence, le Tribunal fédéral a considéré que le certificat intermédiaire n’avait pas été ignoré, mais simplement intégré avec une pondération différente dans l’évaluation globale. Il a jugé légitime que les trois années ayant suivi ce certificat soient considérées comme particulièrement significatives pour apprécier l’ensemble de la relation de travail.
Concernant la prétendue expérience de direction, le Tribunal fédéral a rappelé qu’aucun droit n’existe à la reprise automatique des formulations d’un certificat intermédiaire dans le certificat final. Il a également relevé que l’employé n’avait pas exercé de fonction de direction au sens strict, ce que confirment les évaluations annuelles, dépourvues de toute mention de leadership. L’ajout demandé ne correspondait donc pas aux faits établis.
S’agissant des autres demandes de reformulation, le Tribunal fédéral a souligné que le certificat de travail doit être à la fois bienveillant et fidèle à la réalité. L’employeur reste libre dans le choix des formulations et le salarié ne peut exiger une tournure particulière. Pour obtenir un certificat «très bon», il doit démontrer des performances supérieures à la moyenne. Or, en l’occurrence, l’employé n’a pas réussi à prouver que ses compétences juridiques, la qualité de ses résultats ou son comportement personnel dépassaient les attentes. Ses évaluations faisaient même état de marges d’amélioration, notamment en matière de qualité rédactionnelle et de compétences sociales. Le Tribunal fédéral a donc rejeté le recours de l’employé, considérant que les demandes de modification ne reposaient sur aucun fondement objectif suffisant.
III. Conclusion
Cette jurisprudence du Tribunal fédéral rappelle que le certificat de travail doit refléter fidèlement la réalité du parcours professionnel, dans un équilibre entre bienveillance et objectivité.
En principe, la formulation et le choix des termes du certificat de travail sont laissés à l'appréciation de l'employeur.
Il n'existe aucun droit à faire reformuler un bon certificat en un très bon certificat, à moins que le travailleur ne soit en mesure de prouver ses prestations supérieures à la moyenne.
1 Arrêt du Tribunal fédéral 1C-400/2024 du 23 avril 2025.
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