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Politique: le grand clivage

Pierre Cormon Publié vendredi 23 avril 2021

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Plus le temps passe, plus je me dis que le plus grand clivage, en politique, n’est pas entre la gauche et la droite. Il est entre ceux qui pensent d’abord en termes de principes, quels qu’ils soient, et ceux qui pensent d’abord en termes de conséquences.

Face à un problème, les premiers se demandent: quel principe est-il en jeu? Ils considèrent qu’à partir du moment où une proposition émane de groupes dont les idées correspondent aux leurs, les choses s’ordonneront d’elles-mêmes.

Les seconds doutent que la réalité soit si docile. Ils se demandent plutôt: que se passera-t-il concrètement si telle mesure est adoptée? Dans le débat sur l’interdiction du voile intégral, les premiers se sont déterminés en fonction de l’importance qu’ils attachent à la dignité de la femme ou à la liberté religieuse. Les seconds ont plutôt cherché à savoir si l’initiative permettait de défendre efficacement ces valeurs.

Dans le débat sur l’accord-cadre, les premiers se réfèrent notamment à la souveraineté, un principe qui, selon eux, se suffit à lui-même et exclut toute concession envers l’Union européenne. Les seconds se posent des questions telles que: les avantages de l’accord surpassent-ils ses inconvénients? Dans quelle mesure affaiblirait-il les mesures d’accompagnement? La Suisse peut-elle mieux défendre ses intérêts dans la situation actuelle, ou avec un accord qui permettrait aux deux parties de régler leurs différends en excluant les mesures arbitraires?

L’avantage de se fier aux principes, c’est que cela facilite les choix. Dans le cas des deux initiatives antipesticides, sur lesquelles nous voterons le 13 juin, ceux qui pensent en termes de principes peuvent trouver dans la nocivité potentielle de certaines de ces substances une raison suffisante pour voter oui. Le désavantage, c’est qu’en négligeant les conséquences, on risque de favoriser des effets pervers: l’enfer est pavé de bonnes intentions, comme le veut l’adage. L’avantage de penser en termes de conséquences, c’est que cela oblige à écouter spécialistes et personnes du terrain et à se poser des questions cruciales: quels efforts les agriculteurs ont-ils déjà entrepris pour limiter l’usage des pesticides? Quel impact les initiatives auraient-elles sur le prix des denrées? Sur les rendements? Si l’on doit importer davantage pour compenser leur diminution, quel serait le coût environnemental du transport?

Le désavantage, c’est qu’il n’existe pas toujours de réponse tranchée, ni unanimement acceptée. Et vous, au moment de voter, pensez-vous d’abord en termes de principes ou de conséquences?

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