«Un commissaire-priseur voit de tout, des choses bizarres et magnifiques»
Bernard Piguet tient l’Hôtel des ventes, à Genève.
Daniella Gorbunova
Publié vendredi 17 octobre 2025
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#Piguet Hôtel des ventes
Bernard Piguet, qui tient l’Hôtel des Ventes de Genève avec sa femme, nous a livré les secrets de son entreprise.
C’est la caverne d'Ali Baba de Genève pour qui aime les histoires que racontent l’odeur si particulière des manuscrits anciens, les reflets des médailles des plus illustres familles européennes ou les œuvres improbables, peut-être oubliées, peut-être retrouvées, d'artistes qui ont fait l’Histoire. Bienvenue chez Piguet Hôtel des Ventes, que l’entrepreneur et historien de l’art Bernard Piguet tient avec sa femme Claire depuis 2006.
A l’occasion de l’exposition et de la vente aux enchères de septembre, Bernard Piguet nous a accueilli dans son antre aux trésors cachés pour dévoiler comment il s’est construit une réputation solide - et internationale - dans un milieu de niche.
Après un tour du propriétaire, il nous invite à prendre place dans un salon improvisé au milieu d’une salle d’exposition, composé de fauteuils et d’un canapé aux airs de mobilier Bauhaus - «oui, ça aussi, c’est en vente! (rires)». Qui est cet homme, visiblement de culture, mais aussi de famille?
De HEC à l’histoire de l’art
Né d’un père médecin passionné d’art et d’une mère habituée aux ventes aux enchères, Bernard Piguet grandit entre Yverdon et la propriété familiale en France. Son enfance est rythmée par la découverte des tiroirs de cette grande maison, remplis de souvenirs d’époques diverses. Très tôt, il s’émerveille des histoires cachées derrière les objets. Son premier achat? Un moule à gâteau acquis aux enchères pour deux francs, juché sur un arbre. «Les gens riaient de voir ce gamin lever la main. Mais pour moi, c’était le début d’une passion», se rappelle-t-il.
Après un passage à HEC Lausanne, il part à Londres pour étudier l’histoire de l’art et rejoint Sotheby’s, où il reste sept ans. Mais l’envie d’entreprendre ne le quitte pas. En 2006, il rachète l’Hôtel des ventes de Genève - alors en déclin. Dix ans plus tard, il rebaptise la maison à son nom. Aujourd’hui, Piguet Hôtel des Ventes organise chaque année quatre à cinq ventes, adjuge près de quinze mille objets et attire des acheteurs du monde entier.
Construire une entreprise à deux
Quand il reprend l’Hôtel des ventes, l’entreprise est exsangue. «C’était une véritable start-up, car il fallait tout reconstruire», confie Bernard Piguet. Au bout de quelques mois, il pense engager une secrétaire pour l’aider. Sa femme, de formation littéraire, lui suggère alors d’occuper ce rôle elle-même. «C’est ce que j’espérais en secret», sourit-il. Leur premier enfant naît six mois avant la reprise de l’entreprise. Trois autres suivront.
C’est ensemble qu’ils bâtissent l’Hôtel des ventes. Et c’est à leurs désaccords professionnels, parfois nombreux, que les Piguet doivent leur succès. «Si je dis qu’un tableau doit être accroché à droite, je peux être presque sûr que ma femme dira à gauche!». Ces visions différentes sont une force. «On confronte sans cesse nos idées et, à la fin, on avance dans la même direction.»
Savoir entrer dans la vie des gens
Si le métier d’un commissaire-priseur consiste à attribuer une valeur à des biens, Bernard Piguet insiste sur l’importance du lien tissé avec les vendeurs, qui sont souvent des familles endeuillées. «Lors d’une succession, certains objets ont une valeur émotionnelle immense. Il faut accompagner les familles dans ces moments très particuliers. Il y a des confidences, des secrets, et je les reçois avec empathie.» Car entrer dans l’intimité d’un foyer après un décès ou une séparation n’est jamais anodin. C’est un travail qui exige tact et humanité. «Mon métier, ce n’est pas seulement d’organiser des ventes, c’est aussi aider les gens à tourner une page.»
Une surprise!
Au fil des ans, le commissaire-priseur a vu défiler toutes sortes d’objets. Rien que pour citer quelques éléments de la dernière vente: des Warhol dédicacés, la collection de médailles de la princesse Marie-Gabrielle de Savoie ou des pièces issues des collections royales italiennes... autant de choses qui sont passées sous le marteau du commissaire. L'objet le plus étonnant? «Un jour, on m’a présenté une sorte de pierre allongée. C’était en fait... un pénis de phoque fossilisé!», confie-t-il, souriant.
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