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La technologie brouille les frontières entre les métiers

Pierre Cormon Publié le jeudi 25 avril 2024

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On a l’habitude de dire que la technologie détruit des emplois et en crée d’autres. On parle moins d’un autre de ses effets: elle brouille les frontières entre les professions.

Il y a quelques décennies, les communicants élaboraient des stratégies, définissaient des messages, et seuls les graphistes possédaient à la fois le savoir-faire et les programmes (onéreux) permettant de réaliser une affiche ou un autre visuel. L’évolution des logiciels a permis aux non-professionnels de produire des contenus graphiques. Beaucoup de graphistes indépendants ont défendu leur gagne-pain en élargissant leur palette de services à la stratégie – qui peut même être élaborée par une intelligence artificielle.

Les géomaticiens et ingénieurs géomètres étaient les seuls à avoir les compétences nécessaires pour effectuer des relevés et poser des repères géoréférencés sur les chantiers. De nouveaux appareils rendent possible à des personnes sommairement formées de faire de même. Les tours opérateurs montaient jadis les voyages que les agents vendaient; la frontière entre les deux métiers est devenue floue. Les journalistes avaient le quasi-monopole des médias de grande diffusion. Ils sont maintenant en concurrence avec des blogueurs, des youtubeurs, des influenceurs. L’hébergement, autrefois apanage des hôteliers, est pratiqué à grande échelle par des particuliers louant des logements sur des plateformes. Cette évolution stimule la concurrence et l’apparition de nouvelles offres: loger chez l’habitant procure une expérience différente. Elle favorise aussi des dérives.

Les visuels réalisés par des non-professionnels manquent souvent de cohérence et de rigueur. Les relevés effectués par des non-géomètres sont parfois faux. Les médias n’ont jamais été vaccinés contre la désinformation et l’extrémisme, mais ceux-ci trouvent un terrain bien plus fertile sur les blogs et les réseaux sociaux. Amateurs et professionnels, de plus, ne sont souvent pas soumis aux mêmes règles, ce qui crée des distorsions de concurrence, comme dans le cas de l’hébergement.

Quant au client, il doit choisir entre des prestataires aux prix, et surtout à la qualité, de plus en plus variables. Quelques éléments peuvent le guider. Les certifications et les références constituent des indications utiles. La formation reste essentielle: un CFC ou un brevet fédéral ont plus de valeur que jamais. L’appartenance à une association professionnelle reconnue, enfin, est généralement un gage de sérieux.

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