«Il est important de promouvoir la formation professionnelle supérieure, car des collaborateurs mieux formés permettent de garantir la pérennité du métier», estime Nathalie Bloch, directrice du département associations professionnelles de la FER Genève.
Steven Kakon
Publié lundi 14 avril 2025
Lien copié
#Carrière
En plus d'une augmentation salariale significative, l’examen fédéral permet à son détenteur une nette évolution professionnelle.
Les brevets fédéraux attirent un nombre croissant de candidats. En 2023, ils représentaient plus de la moitié des titres délivrés dans la formation professionnelle, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS). Quels sont les avantages concrets d’un brevet fédéral pour son détenteur? Selon le secteur d’activité, il a des répercussions sur le poste occupé dans l’entreprise et sur le salaire, répond le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI). En plus de permettre une nette augmentation salariale, le brevet fédéral ouvre la voie à des postes de management d’équipe. «Il est également associé à une forte employabilité», relève Frank Sobczak, directeur de la formation à la FER Genève.
Perte de gains couverte
Au-delà de ces atouts, Nathalie Bloch, directrice du département des associations professionnelles de la FER Genève, estime qu’il est important de promouvoir la formation professionnelle supérieure car «des collaborateurs mieux formés permettent de garantir la pérennité du métier». En effet, «les titulaires du brevet fédéral sont appelés pour être experts aux examens d’apprentissage et pour enseigner». Dans le second œuvre, la commission paritaire des métiers du bâtiment (CPSO) envoie un signal fort aux entreprises: les fonds paritaires couvrent la perte de gains à hauteur de 100% du salaire de l’employé pour sa période de formation, avec une majoration de 35% pour couvrir les charges sociales. La CPSO prend aussi en charge les frais d’écolage non couverts par la subvention fédérale pour les personnes qui ne sont pas éligibles ou si les frais d’écolage sont plus élevés que la subvention. La Commission paritaire des parcs et jardins propose un soutien similaire: le fonds paritaire verse à l’employeur un montant forfaitaire de 225 francs par jour, quel que soit le salaire horaire brut durant les périodes de formation.
Depuis 2018, la Confédération subventionne à hauteur de 50% les frais de cours préparatoires aux examens fédéraux (pour un maximum de 9500 francs), à la condition que le candidat ait lui-même payé les frais de cours. «Ce dispositif n’empêche pas l’entreprise de participer pour les 50% restants», souligne Frank Sobczak. Selon l’OFS, 16 164 subventions ont été attribuées en 2023, pour un montant total de 102,4 millions de francs. La subvention moyenne s’élève à 6100 francs pour les examens professionnels (brevet fédéral) et à 7500 francs pour les examens professionnels supérieurs. Le nombre de subventions est resté stable entre 2020 et 2023.
Une autre option s’offre au candidat: les entreprises conscientes de la nécessité de mettre à jour les compétences à l’interne peuvent prendre tout ou partie des frais de la formation à leur charge. Dans ce cas, le bénéficiaire n’est pas éligible pour la subvention de la Confédération. Dans le cas d’un financement de l’entreprise, il peut être amené à signer un engagement à rester dans l’entreprise pour une durée d’environ deux ans. «Le cas échéant, s’il quitte son poste avant la date définie dans le contrat, il devra rembourser une partie des coûts», signale Laurent Baechler, responsable de la formation professionnelle à la FER Genève, précisant que «lorsque la formation est obligatoire pour l’exercice du métier, elle est prise en charge par l’employeur sans être associée à une clause de fidélité». Dans le secteur automobile, «une majorité des participants aux formations haute tension sont envoyés par les employeurs et ne doivent rien débourser», confirme Romain Guéninchault, président de la commission de formation et chef expert de l’Union patronale suisse de l’automobile.
Dans quels cas les entreprises renoncent-elles au financement? «Il est possible que les employeurs se soient retirés du financement ou qu’ils aient remplacé leur soutien, par exemple en payant le temps de travail pour la fréquentation des cours ou pour la préparation à l’examen. Le SEFRI procède actuellement à une évaluation du financement axé sur la personne. Les résultats sont attendus d’ici à 2026», précise-t-il.
A l’ifage (fondation pour la formation des adultes), sur les cinquante participants annuels en moyenne à la formation menant au brevet fédéral en ressources humaines - qui a connu le plus grand nombre d’inscriptions ces trois dernières années - moins d’un tiers d’entre eux a bénéficié d’un financement de leur employeur, indique Céline Michel, responsable de la communication et du marketing du centre de formation.
Forte augmentation de salaire
«En moyenne, une personne titulaire d’un brevet fédéral gagne entre 800 francs et 1500 francs de plus par mois à l’obtention du diplôme», évalue Laurent Baechler. Ainsi, hormis le temps personnel investi pour sa formation, le coût d’un diplôme supérieur est amorti entre une année et une année et demie en fonction de la filière.
Exemples: dans l’hôtellerie-restauration, le salaire minimum avec certificat fédéral de capacité (CFC) est 4519 francs et de 5282 francs avec le brevet fédéral. Dans l’industrie mécatronique, il est de 4788 francs pour les titulaires du CFC et de 5570 francs pour les personnes qui disposent d’un diplôme supérieur (avec moins d’une année d’expérience).
Projections
L’OFS a établi des scénarios pour la période 2024-2033: le nombre de brevets fédéraux délivrés devrait progresser de 3% (+400 titres) et de 15% pour les diplômes fédéraux (+420 titres).
Pour le brevet fédéral, la hausse la plus forte concerne le domaine de la protection sociale (+54%). Dans certains domaines, le nombre de titres délivrés pourrait néanmoins baisser. En gestion et administration, la baisse pourrait ainsi être de 7% en 2033.
Interrogé sur l’origine de ces données et sur les différences sectorielles, l’OFS commente: «le principal facteur d’évolution des brevets fédéraux est l’évolution observée et attendue du nombre de CFC». On observe que, dans la vente de gros et de détail, le brevet fédéral représente la quasi-totalité des diplômes émis attendus. Comment l’expliquer? «Ce sont des domaines dans lesquels il n’y a pas beaucoup d’autres offres en diplômes supérieurs, mais également une condition quasiment indispensable pour pouvoir évoluer», réplique Laurent Baechler.
Vers un bachelor professionnel?
Le débat fait grincer des dents. En ouvrant la voie à l’éventualité de renommer le brevet fédéral en «bachelor professionnel et le diplôme fédéral en master professionnel, les partenaires présents au Sommet national de la formation professionnelle, en novembre 2023, y voyaient un moyen de mettre en évidence «le caractère tertiaire des diplômes concernés, ce qui contribuera à la reconnaissance de la formation professionnelle supérieure dans l'opinion publique». Frank Sobczak comprend cette démarche qui vise à valoriser la formation professionnelle supérieure, mais il souligne le risque d’une confusion avec le système académique, d’autant plus que le système de crédits ECTS - European Credit Transfer and Accumulation System, une unité de mesure qui permet de comparer des formations européennes - ne serait pas appliqué. Conclusion: «il serait plus judicieux de travailler sur une valorisation du dispositif de formation professionnelle en Suisse et de le faire connaître à l’international», considère-t-il.
Qu’en pensent les écoles? Sollicitée, l’ifage y voit un risque. «D’un côté, cela pourrait améliorer la lisibilité et la reconnaissance internationale du diplôme, sachant que le terme brevet est peu compris en dehors de la Suisse. Cependant, il y a aussi des risques de confusion. Certains pourraient croire que le brevet fédéral équivaut à un bachelor universitaire, ce qui n’est pas le cas. Si un changement devait être envisagé, il serait essentiel d’accompagner cette évolution d’une communication claire et d’un alignement avec les partenaires académiques et professionnels pour éviter toute ambiguïté», analyse Nathalie Dargham, responsable des formations en ressources humaines à l’ifage.
Témoignages
«Une expertise dans un panel de domaines» Lara, 36 ans, a récemment obtenu son brevet fédéral en ressources humaines. Une formation qu’elle a entamée en emploi dans son ancienne entreprise, à ses propres frais, auxquels se sont greffées les subventions de la Confédération. Elle a dû négocier la réduction de son taux de travail à 80%. Ce que le diplôme lui a apporté? «Une expertise dans un panel de domaines, sachant que dans mon métier, la tendance est de se spécialiser dans un secteur. Avec mon certificat de gestionnaire RH, mon champ d’action se limitait aux tâches administratives et à la gestion des salaires. Aujourd’hui, je peux travailler sur des projets plus vastes, plus complexes. La formation favorise aussi les échanges entre professionnels».
«Une nette amélioration de mes conditions de travail» Après avoir été installateur-électricien avec CFC, Bryan, 33 ans, suit actuellement la formation en vue d’obtenir son brevet fédéral de chef de projet et conseiller en sécurité électrique, en travaillant à 80%. Il a dû débourser 20 000 francs, auxquels s’ajoutent les milliers de francs de frais d’examen, avant de pouvoir se faire rembourser la partie subventionnée. Sans être encore diplômé, sa situation a déjà évolué avec «une augmentation salariale» et «une nette amélioration de mes conditions de travail». En clair, «je ne suis plus amené à effectuer moi-même les travaux sur les chantiers, je contrôle les installations réalisées».
En autorisant les services tiers, vous acceptez le dépôt et la lecture
de cookies et l'utilisation de technologies de suivi nécessaires à leur
bon fonctionnement. Voir notre politique de confidentialité.