Refuser un candidat en direct à la fin de l’entretien: un faux pas?

Steven Kakon
Publié vendredi 25 avril 2025
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#Recrutement Annoncer la couleur aux candidats dès la fin d’un entretien d’embauche: gain de temps ou brutalité inutile? Deux spécialistes en ressources humaines donnent leur avis sur cette méthode directe.

Sur LinkedIn, un internaute partage une expérience de recrutement: lors d’un entretien d’embauche avec un candidat, après un échange partiellement mené en anglais – dont la maîtrise était requise – il choisit de ne pas faire durer le suspense. Le candidat, dont le niveau d’anglais est jugé insuffisant, se voit notifier en direct l’issue défavorable de sa candidature. Un choix assumé par le recruteur, qui en tire une leçon pour ses pairs: ne pas faire patienter inutilement un candidat dont le profil ne correspond pas. «Cela permet un gain de temps pour tout le monde», écrit-il.

Cette approche directe dès la fin de l’entretien est-elle toujours recommandée? Nous avons posé la question à deux spécialistes du recrutement. «Cela dépend du niveau de séniorité du candidat et de sa solidité psychologique», estime Christian Oberson, président de HR Genève, l’association des professionnels des ressources humaines. En clair: «donner un refus immédiat à une personne fragile ou qui est dans une situation professionnelle ou personnelle difficile peut saper sa confiance en elle et augmenter son stress pour les prochaines interviews».

«Arbitrage»

Selon lui, faire preuve de transparence tout de suite suppose d’être prêt à devoir justifier sa décision et donc de se lancer dans une argumentation périlleuse. «Si le motif est objectif, comme dans le cas d’un niveau d’anglais insuffisant, il faut le dire», poursuit le spécialiste. «Mais c’est toujours un arbitrage entre le risque de blesser et de gagner du temps», résume-t-il, avant de préciser que pour les candidats à des postes à responsabilité, cette franchise est plus acceptable. Qu’en est-il lorsque le refus est motivé par des traits de personnalité? Faut-il le dire? Là encore, la prudence est de mise. «Je dirais plutôt non, sauf s’il s’agit d’un aspect de personnalité qui est flagrant».

«Prendre du recul»

La directrice du Centre de bilan (CEBIG) à Genève, Roseline Cisier, adopte une position plus tranchée. «Je ne donne jamais une réponse négative dès la fin d’un entretien, car j’estime que les recruteurs ne doivent pas entrer dans un biais de subjectivité trop fort.» Tout en reconnaissant la part de subjectivité inhérente à tout processus de recrutement, elle insiste sur l’importance de «s’appuyer sur des indicateurs objectifs» pour guider la décision. «On peut avoir la conviction que le candidat ne conviendra pas pour le poste, mais il faut laisser du temps à l’analyse après la rencontre. Personnellement, j’aime prendre un peu de recul», glisse-t-elle. Même si la raison du refus tient par exemple à un niveau d’anglais jugé insuffisant? «Sauf exception, je n’annonce pas de décision à la fin des entretiens.»

De plus, «étant donné que la deuxième phase se déroule toujours avec un collègue, nous nous laissons le temps de pouvoir échanger sur les candidatures», relève Roseline Cisier. A l’issue du processus, le spécialiste doit informer systématiquement les candidats de la réponse par écrit, en restant toujours assez neutre dans le feedback. «J’essaie d’être le plus factuel possible selon les critères et les indicateurs requis. Il faut dire les choses objectivement et en toute transparence tout en rappelant le contexte, au besoin, pour donner du sens à la décision.»

Passé un certain délai d’attente, est-ce une bonne pratique du candidat de relancer le recruteur pour savoir où en est le processus de recrutement? «Oui, je recommande de demander des nouvelles», répond-t-elle sans hésiter. «Personnellement, je donne toujours un délai auquel je recontacterai la personne. Passé ce délai, il est légitime qu’elle revienne vers moi.»

Relancer

Selon le métamoteur de recherche d’emploi Indeed, un candidat doit s’attendre à recevoir des nouvelles du recruteur dans les deux à trois semaines qui suivent l’entretien, que la réponse soit positive ou négative. Le laps de temps varie selon les entreprises et le nombre de candidats qui postulent. Passé ce délai de trois semaines, en l’absence de réponse, Indeed recommande de prendre contact avec le recruteur pour lui demander où en est le dossier. n

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