Séjours à l’étranger dissimulés par l’employé à l’assurance perte de gain maladie

Vacances pendant un arrêt maladie? Attention!
Vacances pendant un arrêt maladie? Attention!
Marina Popadic
Publié jeudi 08 mai 2025
Lien copié

#SAJEC Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral aborde la question de séjours à l’étranger non annoncés à l’assurance par une employée au cours d’une période d’incapacité de travail.

Dans un arrêt récent1, le Tribunal fédéral aborde la question de séjours à l’étranger non annoncés à l’assurance par une employée au cours d’une période d’incapacité de travail.

Qu’en est-il, en particulier, lorsque l’employeur a contracté une assurance collective perte de gain en cas de maladie? Le droit aux prestations pendant la durée d’un séjour à l’étranger connaît-il une limite? Quelles sont les conséquences d’une dissimulation de faits ou d’une communication tardive à l’assurance?

Les faits

Une employée, conseillère en assurances, bénéficiait d’une assurance collective perte de gain maladie via son employeur. Le 9 mars 2021, l’employeur a annoncé à l’assurance que l’employée était en incapacité totale de travail depuis le 4 mars 2021 pour cause de maladie.

Le 5 juillet 2021, à la demande de l’assurance, l’employée a été examinée par un médecin psychiatre. L’expertise a conclu à une incapacité totale de travail pour le poste occupé, mais à une pleine capacité - ailleurs - sur le marché de l’emploi. Les rapports de travail ont pris fin le 31 août 2021 et l’assurance a cessé de verser les indemnités journalières à l’employée le 1er septembre 2021.

A la suite d’une enquête, l’assurance a découvert plusieurs séjours à l’étranger non annoncés par l’employée durant son incapacité de travail, ce qu’elle a considéré comme une fraude, au sens de l’art. 40 de la Loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA)2. L’assurance a annulé la couverture rétroactivement à partir du 4 mars 2021 et a exigé le remboursement des prestations versées ainsi que des frais d’enquête à hauteur de 40 469,95 francs.

Les séjours à l’étranger au cours d’une incapacité de travail: quelle limite?

Amené à devoir se prononcer sur cette affaire, le Tribunal fédéral a analysé les conditions générales de l’assurance collective perte de gain en cas de maladie (CGA) souscrite par l’employeur, lesquelles précisent qu’une personne assurée et malade ne dispose d'aucun droit aux prestations pendant la durée d'un séjour à l'étranger, à moins qu'elle n'ait obtenu au préalable l'accord exprès de l'assurance3.

Selon ses termes, l’employée aurait révélé l'intégralité de ses séjours à l'étranger après avoir eu connaissance de la clause E 6.3 CGA. Elle prétend ne pas avoir été informée au préalable de l’existence de ladite clause. Selon les informations transmises par l’employeur, l’employée a bien été informée du droit aux indemnités journalières et a reçu les CGA (édition d’octobre 2018) en temps utile. Ladite clause était, en outre, disponible sur le site internet de l’employeur. Lors d'un entretien en novembre 2021, l'assurance s'est explicitement renseignée auprès de l’employée sur des séjours à l'étranger, ce à quoi l’employée a répondu qu'elle n'avait voyagé à l'étranger que pendant la période du 17 au 23 août 2021. Elle a expressément précisé qu'il n'y avait pas eu d'autres séjours à l'étranger et a donc volontairement dissimulé ses séjours à l’étranger entre les 14 et 20 mai 2021 et entre les 3 et 10 juin 2021. Il ressort du procès-verbal de l'entretien signé par l’employée qu'elle a été informée du contenu de l'art. E 6.3 CGA. Or, ce n’est que huit mois plus tard que l’employée a révélé l’existence de l’ensemble de ses séjours.

Selon le Tribunal fédéral, l’employée a violé l'art. E 6.3 CGA en séjournant à l'étranger en mai, juin et août 2021 sans l'accord exprès préalable de l’assurance et a passé ces séjours sous silence, afin de percevoir des indemnités journalières pendant cette période.

La prétention frauduleuse: conditions et conséquences

Selon l’art. 40 LCA, si l’ayant droit ou son représentant, dans le but d’induire l’entreprise d’assurance en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’entreprise d’assurance, ou si, dans le but d’induire l’entreprise d’assurance en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que lui impose l’art. 39 LCA, l’entreprise d’assurance n’est pas liée par le contrat envers l’ayant droit. L'art. 39 LCA précise que sur demande de l’assurance, l'ayant droit doit lui fournir tout renseignement sur les faits à sa connaissance qui peuvent servir à déterminer les circonstances dans lesquelles le sinistre s'est produit ou à fixer les conséquences du sinistre. En l’occurrence, le fait que l’employée n'a révélé, sur demande de l’assurance, qu'un seul des trois séjours à l'étranger pertinents constitue une violation de son obligation d’information prévue à l'art. 39 LCA.

Selon le Tribunal fédéral, l’employée avait l’intention de tromper l’assurance et avait sciemment et volontairement dissimulé ses séjours à l’étranger à cette dernière afin d’éviter le remboursement des indemnités journalières perçues indûment au regard des CGA. Dès lors, l’assureur lui a réclamé à juste titre le remboursement des indemnités journalières versées.

Conclusion

Si une assurance perte de gain maladie, conclue par un employeur, prévoit, dans ses conditions générales d’assurance, que l’employé doit obtenir l’accord exprès de l’assurance avant d’effectuer un séjour à l’étranger durant une incapacité de travail, l’employé est tenu de respecter cette obligation sous peine de perdre son droit au versement d’indemnités journalières.

1 Arrêt du Tribunal fédéral 4A-470/2024 du 7 janvier 2025.

2 RS 221.229.1.

3 Art. E6.3 CGA.

insérer code pub ici