Un acier durable, fondu au soleil romand

Panatere vise une production de mille tonnes d’acier solaire par an, 100% recyclé grâce aux déchets des industries locales.
Panatere vise une production de mille tonnes d’acier solaire par an, 100% recyclé grâce aux déchets des industries locales.
Publié lundi 17 novembre 2025
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#Industrie Le double four solaire de Panatere, à La Chaux-de-Fonds, a été inauguré et va permettre d’offrir de l’acier durable à un secteur qui en a bien besoin.

Alors que la hausse des droits de douane frappe l’industrie de l’Arc jurassien, une initiative verte tombe à point nommé. Elle est l’œuvre de Panatere, une PME jurassienne spécialisée dans la transformation de matières premières. Son nom, issu du patois, désigne un panier en osier utilisé autrefois pour la récolte des fruits: une allusion à la récupération et à la valorisation qui résument bien sa démarche. «Nous avions un trésor derrière notre usine et personne ne l’avait vu», confie Raphaël Broye, son fondateur, engagé depuis plus de dix ans dans des projets d’économie circulaire. Panatere s’est particulièrement intéressée aux copeaux d’acier, de cuivre ou de titane, ces métaux issus des usinages de la microtechnique, de l’aéronautique ou de l’horlogerie, piliers industriels de la région.
Chaque année, les entreprises suisses importent cent quarante mille tonnes d’acier inoxydable, dont quinze mille huit cents pour l’horlogerie et six mille cinq cents pour le secteur médical. Une dépendance qui les expose aux aléas logistiques et géopolitiques.
Panatere entend changer la donne avec un acier traçable, recyclable et compétitif, produit localement à partir de déchets métalliques régionaux. Ce modèle réduit fortement l’empreinte carbone de l’acier d’un facteur 165 par rapport aux procédés classiques, tout en renforçant la souveraineté industrielle du pays.
L’innovation, présentée comme une première mondiale et protégée par deux brevets, repose sur un tri par nuance et un double four solaire. Cinq cents miroirs concaves, couplés à un héliostat, concentrent les rayons du soleil jusqu’à 2000°C. Les métaux fondent en une heure et demie sans aucune émission de CO2. L’efficacité énergétique et environnementale du procédé a été confirmée par Quantis, Climate Services et l’Office fédéral de l’environnement.
Panatere vise une production de mille tonnes d’acier solaire par an, 100% recyclé grâce aux déchets des industries locales. Si les volumes restent modestes, l’entreprise compte augmenter sa capacité en s’appuyant sur son équipe recherche et développement, qui teste déjà un réacteur de troisième génération. Ce nouvel outil crée des emplois non délocalisables, précieux dans une région touchée par le ralentissement conjoncturel. Panatere concrétise ainsi une vision ambitieuse: construire à moyen terme une usine autarcique, alimentée exclusivement par l’énergie solaire concentrée et les matériaux recyclés. «Nous avons mis plus de cinq ans à trouver la bonne équation, sans ajout de chimie ni recours aux minerais. Aujourd’hui, nous montrons qu’une production industrielle durable, compétitive et locale est possible», souligne Raphaël Broye.
Le chemin a toutefois été long. En 2022, l’entreprise avait envisagé une implantation à Saignelégier, avant d’opter pour La Chaux-de-Fonds, plus ensoleillée et mieux soutenue par les autorités locales. Il a ensuite fallu identifier un site dégagé et orienté nord-sud, condition essentielle au bon fonctionnement des fours solaires.
Côté développement industriel, quatre années de recherche ont été nécessaires pour mettre au point un processus global garantissant la qualité du métal recyclé.
À ce jour, les applications industrielles comparables ne sont pas nombreuses: une cinquantaine dans le monde, principalement dans l’automobile, mais aucune dans la microtechnique. Avec ce premier four, Panatere pourrait produire assez d’acier pour équiper six millions de montres, soit quatorze minutes de production pour un grand fondeur. «D’où le peu d’intérêt de ces derniers», sourit Raphaël Broye. Au-delà de la performance environnementale, cette innovation marque une étape vers une réindustrialisation circulaire, capable de redynamiser tout un territoire. 

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