Un monde matériel et quantique à la fois

La physique quantique des matériaux se positionne comme une réponse à des défis toujours plus complexes.
La physique quantique des matériaux se positionne comme une réponse à des défis toujours plus complexes.
Flavia Giovannelli
Publié le vendredi 17 novembre 2023
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#Technologies quantiques Nous avons beau évoluer au sein d’un monde matériel, nous n’accordons pas une grande attention aux propriétés des objets qui nous entourent.

Les objets qui nous entourent sont des entités tangibles, banalisées par le grand public, alors que les chercheurs, physiciens ou ingénieurs, notamment, sont constamment à la recherche de nouvelles technologies utilisables dans l’industrie, les télécommunications ou l’information.

Dans ce contexte, la physique quantique des matériaux se positionne comme une réponse à des défis toujours plus complexes, offrant un terrain fertile pour des avancées remarquables. Genève s’est affirmée comme un centre d’excellence dans cette spécialité particulière, comme en témoigne Alberto Morpurgo, professeur au département de physique quantique à l’Université de Genève. «Après ma maîtrise en physique à Gêne, je me suis rendu aux Pays-Bas et aux Etats-Unis pour des raisons professionnelles. Finalement, j’ai jeté mon dévolu sur Genève, où j’ai trouvé les meilleures perspectives d’évolution dans ma spécialisation, notamment autour du graphène», confie le physicien.

La révolution du graphène

Le scientifique commence par brosser le cadre dans lequel il évolue, à la suite de développements qui ont été nombreux au cours des deux dernières décennies. Il énumère ainsi des découvertes majeures, parmi lesquelles la supraconductivité à haute température critique, la ferro-électricité, le magnétisme, la conductivité quantifiée. Mais c’est surtout le graphène, une feuille de carbone composée d’un seul atome, qui se distingue comme la superstar incontestée.

On doit cette découverte à Andre Geim et Konstantin Novoselov, deux physiciens de l’Université de Manchester, qui ont réussi à l’isoler pour la première fois en 2004. Ils ont reçu le prix Nobel de physique pour ces travaux pionniers en 2010. Aussitôt, les propriétés surprenantes du graphène ont déclenché un enthousiasme sans précédent au sein de la communauté scientifique. Cette substance cristalline, extrêmement mince, s’avère en effet plus robuste que l’acier, tout en étant flexible et transparente. Sa conductivité électronique exceptionnelle en fait un candidat idéal pour de multiples applications, allant des transistors ultra-rapides à la dissipation thermique.

En envisageant des applications dans la construction automobile, l’aéronautique ou la conception de batteries aux performances supérieures, le graphène ouvre la voie à d’autres développements novateurs. Bien qu’il fasse surtout de la recherche fondamentale, les travaux d’Alberto Morpurgo explorent des pistes dans cette direction. Ils portent plus particulièrement sur le concept de «matériau quantique adaptatif», basé sur la capacité à produire des cristaux d'une épaisseur d’un atome et à les manipuler. La stratégie consiste ensuite à les empiler les uns sur les autres pour créer des matériaux quantiques artificiels, ou adaptatifs. Il sera ainsi possible d’obtenir un matériau aux propriétés ou performances non existantes dans la nature.

Des applications durables

Au-delà de l’effervescence scientifique, ces innovations laissent entrevoir la possibilité de réduire notre dépendance aux métaux rares, tels que le terbium ou le dysprosium. Alberto Morpurgo suggère qu’en envisageant des solutions de remplacement avec des propriétés similaires, en évitant l’utilisation intensive de ces métaux précieux, l’approvisionnement serait plus durable et sécurisé.

Bien que ces développements soient pour certains encore au stade de la maturation, leur potentiel révolutionnaire a de quoi faire saliver chercheurs et investisseurs à l’échelle mondiale. Une course effrénée a commencé pour être le premier à atteindre des résultats sur le plan industriel, tandis que d’autres programmes s’orientent davantage sur la création de produits répondant aux objectifs de développement durable des Nations unies.

La physique de la matière quantique est reconnue par l’Université de Genève comme un domaine essentiel de la physique, employant le plus grand nombre de chercheurs et générant un grand nombre de résultats susceptibles d'intéresser l'industrie et l'économie. n

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