Handicap: favoriser l’inclusion dans le monde du travail

Avec ou sans handicap: le droit de travailler, comme tout le monde.
Avec ou sans handicap: le droit de travailler, comme tout le monde.
Steven Kakon
Publié le vendredi 19 avril 2024
Lien copié

#Inclusion Des journées d’action en faveur des personnes handicapées ont lieu à Genève du 15 mai au 15 juin. Le handicap est à l’agenda politique dans le canton et au niveau fédéral. Zoom sur l’inclusion au travail, toujours imparfaite.

Genève se prépare, sous l’égide du comité Avenir inclusif Genève1, à la journée nationale d’action en faveur des personnes handicapées. Actions de rue, conférences, tables rondes et food-trucks permettront au grand public - ciblé en parallèle par une campagne de sensibilisation autour des quatre droits fondamentaux que sont la formation, l’habitat, l’autonomie et le travail - d’aller à la rencontre des professionnels du milieu du handicap et des personnes handicapées.

Quatre visages donnent vie aux quatres droits fondamentaux promus. Dans le volet «droit au travail», par exemple, le visuel met en scène un jeune entrepreneur genevois aveugle, dirigeant d’une société de conseil de management culturel, qui accompagne des artistes. Le message? Le handicap n’est pas synonyme d’incapacité de travail.

«Pas d’instruments concrets»

Vingt ans après l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (LHand) en 2004, et de la loi sur l’intégration des personnes handicapées (LIPH) la même année à Genève, où en sommes-nous? En plus des dispositions concernant la gestion des établissements pour personnes handicapées, le texte contient quelques articles consacrés à l'intégration. «Bien que ces articles affichent des intentions louables, ils ne donnent pas d'instruments concrets pour les réaliser», explique Thierry Apothéloz, conseiller d’Etat à la tête du département de la cohésion sociale (DCS). «Les personnes avec un handicap vivent encore de la discrimination et souffrent de désavantages dans tous les domaines de la vie», appuie Bernard Favre, directeur du pôle handicap à l’office de l’action, de l’insertion et de l’intégration sociales de l’Etat de Genève. Preuve en est, en mars 2022, l’ONU a épinglé la Suisse pour violation, à bien des égards, des droits des 1,8 million de personnes en situation de handicap (22% de la population dans le pays).

Selon l’Office fédéral de la statistique, près de trois quarts d’entre elles participaient au marché du travail en 2021, mais leur qualité de vie y était moins bonne que celle des personnes sans handicap, puisqu’un certain nombre se disaient davantage victimes de discrimination et de violence au travail.  

Nouvelle loi sur la table

Face à ces défis, le DCS entend proposer un projet de loi: LED-Handicap. «On ne peut plus se satisfaire de dire que les gens ont des droits. Il importe d'être plus concret et d'indiquer comment mettre en place des conditions propres à leur permettre de les exercer. C'est ce que devra faire la LED-Handicap», affirme Thierry Apothéloz. «On peut réduire le handicap en réaménageant l’espace de travail», complète Bernard Favre.

De plus, poursuit le magistrat, «l'assurance invalidité ne peut entrer en matière sur un nombre élevé de situations pour des raisons de durée de cotisation ou de perspective de gain insuffisant. J'estime pour ma part que ces personnes ont droit à des perspectives professionnelles et je souhaite que la LED-Handicap puisse proposer des mesures soutenant réellement les entreprises qui souhaitent les engager». Et de conclure: «Le texte est en cours de finalisation au sein de l'administration. Tous les départements y participent. Il devrait être mis en consultation avant l'été».

Dossier à Berne

Hasard du calendrier, le handicap est également à l’agenda politique au niveau fédéral. Le Conseil fédéral a ouvert en décembre dernier une procédure de consultation concernant la révision partielle de la LHand. Objectif? Mieux protéger les personnes en situation de handicap contre la discrimination dans le monde du travail et dans l’accès aux prestations de services.

Cette réforme n’est cependant pas au goût de l’association Inclusion Handicap. Dans un communiqué, elle regrette un projet «décevant» qui, entre autres points, «ne contient pas de définition plus précise de la notion de discrimination». Plus nuancé, Thierry Apothéloz y voit aussi des limites: «Ce projet va dans la bonne direction. Mais si le texte interdit de discriminer, il n'aide pas à mieux intégrer. Il ne propose pas d'aide concrète pour encourager, par exemple, le recrutement de personnes avec un handicap.»

Le 5 mars dernier, le Conseil des Etats s’est empoigné du sujet en adoptant une motion du Conseil National pour favoriser l’emploi des personnes handicapées. Actuellement, seuls les assurés auprès de l’assurance invalidité peuvent demander des moyens auxiliaires à utiliser sur le lieu de travail. Or, le parlement souhaite que les employeurs puissent aussi déposer une telle demande.

Méconnaissance

Une dimension trop contraignante qui laisse Corinne Bonnet-Mérier dubitative. Conseillère municipale à la Ville de Genève, présidente du Club en fauteuil roulant Genève et membre du comité Avenir inclusif Genève, elle est d’avis que la réflexion autour de l’adaptation du lieu de travail doit être faite en concertation entre l’employé et l’employeur. Toutefois, les démarches impliquant des données personnelles devraient être faites par l’employé, car il est important qu’elles restent confidentielles. Dans tous les cas, celles-ci devraient de toute façon être consultées au préalable; cela ne simplifierait donc pas les démarches administratives.

Tout aussi sceptique sur l’obligation des quotas d’employabilité des personnes en situation de handicap dans les entreprises, comme en France, l’élue s’explique: «Je ne pense pas que l’obligation fonctionne. Il faut privilégier l’incitation, qui peut passer par l’information et la formation».

Un chemin reste à parcourir. «Une plus grande sensibilité au handicap existe, mais, en raison d’une méconnaissance, voire d’une peur du handicap, beaucoup d’employeurs se privent de compétences, comme je l’ai déjà revendiqué dans mon discours tenu à Berne lors de la Session des personnes handicapées, le 24 mars 2023.»

Céline Witschard, fondatrice de l’entreprise Vision Positive, co-fondatrice de Plein Accès Suisse, une association pour l’inclusion des personnes en situation de handicap et membre du comité Avenir inclusif, regrette pour sa part que, lors de l’émergence d’un handicap, «on ne tente pas toujours de maintenir la personne en poste en adaptant son cahier des charges». Confrontée à une détérioration progressive de sa vue, elle se confie: «J’ai créé mon entreprise notamment parce qu’il m’a été impossible de retrouver un poste à responsabilités tout en conservant un taux réduit».

1 Le comité Avenir inclusif comprend l’Etat, la Ville, les associations et les institutions actives dans le domaine du handicap, avec la participation d’autres partenaires. 


Genève, ville accessible pour tous?

La Ville de Genève mène une politique d’accessibilité universelle depuis 2020. Plusieurs projets ont vu le jour dans les domaines de l’information, de l’accès aux bâtiments et aux espaces publics, de la lutte contre les discriminations et de la participation citoyenne. ««Il s’agit de développer un réflexe accessibilité universelle lorsqu’on élabore un projet, un aménagement, lorsqu’on délivre un service, afin que chacun ait sa place», résume Christina Kitsos, conseillère administrative en charge du département de la cohésion sociale et de la solidarité.


Zoom sur les actions à venir

Une vingtaine d’associations et d’institutions actives dans le handicap participeront aux journées nationales d’action pour les personnes handicapées. L’association Actifs, qui œuvre spécifiquement dans l’accompagnement des personnes avec déficience intellectuelle ou autisme sans déficience sur le marché de l’emploi, organisera une table ronde sur l’emploi des personnes en situation de handicap le mardi 4 juin. 
Pro Infirmis prévoit une action le 30 mai sous la bannière Mille et une inclusion. «Durant cet après-midi portes ouvertes, différentes activités seront proposées par les six associations de la Maison de l’Autonomie, où nous avons nos locaux. Elles permettront de découvrir leurs domaines d’intervention respectifs. Par exemple, Handisport proposera d’essayer des activités sportives adaptées», communique Véronique Piatti Bretton, sa directrice cantonale.

Plus d’informations: avenir-inclusif.ch/ge

insérer code pub ici