(2/5) Eurodac: le bras armé du système d’asile

Chaque fois qu’une personne dépose une demande d’asile, ses empreintes sont comparées à celles figurant dans Eurodac.
Chaque fois qu’une personne dépose une demande d’asile, ses empreintes sont comparées à celles figurant dans Eurodac.
Pierre Cormon
Publié jeudi 24 avril 2025
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#Bilatérales III Eurodac vise à repérer les requérants ayant déjà déposé une demande d’asile dans un pays de l’UE/AELE (dont la Suisse). Son usage va être étendu.

«Le bras armé de Dublin1». C’est ainsi que Le Temps présentait la base de données Eurodac en 2005. La métaphore a depuis gagné en pertinence. Alors que l’outil n’était à l’origine destiné qu’à repérer les personnes ayant déposé des demandes d’asile dans différents pays du système de Dublin, il est en train d’être intégré dans un système plus vaste, destiné à lutter contre la criminalité à l’échelle continentale.

Eurodac a été créée en 2003 pour empêcher que des personnes ne présentent des demandes d’asile successivement dans plusieurs des pays participant au système de Dublin. C’est l’Etat où la personne dépose une demande pour la première fois qui doit la traiter.

Empreintes digitales

Encore faut-il identifier les personnes de manière certaine. C’est l’objectif d’Eurodac. Cette base de données stocke les empreintes digitales des personnes de plus de 14 ans ayant déposé une demande d’asile dans un «pays Dublin» (ainsi que les personnes appréhendées après être entrées illégalement dans l’Espace Dublin, mais qui n’ont pas été renvoyées). Chaque fois qu’une personne dépose une demande d’asile, ses empreintes sont comparées à celles figurant dans Eurodac. Si elle a déjà déposé une demande d’asile dans un autre pays du système Dublin, on l’y renvoie.

Répartition

Ce système a conduit à transférer deux mille quatre cent nonante-et-une personnes de la Suisse vers un autre pays Dublin en 2024 – l’équivalent de 7% des demandes d’asile déposée cette année-là.

En sens inverse, elle a repris huit cent soixante-quatre personnes, soit environ trois fois moins. La coopération européenne a donc pour effet de décharger le système d’asile suisse, tout comme celui de l’Allemagne et de la France, au détriment de pays comme la Bulgarie, l’Espagne ou la Croatie.

L’usage d’Eurodac sera élargi à partir de la fin 2027. L’Union européenne gère quatre autres bases de données relatives aux entrées sur son territoire, qui concernent les visas, les personnes recherchées, disparues ou interdites d’entrée, les entrées et sorties de l’Espace Schengen de ressortissants d’Etats tiers et les autorisations de voyages.

Silos

Ces cinq bases de données fonctionnent de manière séparée. Une personne répertoriée comme interdite d’entrée peut déposer une demande de visa sous une fausse identité sans que les données biométriques du système de visa ne soient comparées à celles des autres bases de données. Cela lui donne davantage de chances de passer entre les gouttes. Un nouveau portail de recherche va être mis en service. Il permettra aux autorités compétentes de chercher des noms, des dates de naissance et des données biométriques simultanément dans les cinq bases de données. L’objectif est de repérer plus facilement les criminels voulant entrer dans l’Espace Schengen Dublin. La Suisse aura accès au portail.

Inquiétudes

Cette perspective suscite des inquiétudes, notamment au sujet d’une possible discrimination des personnes enregistrées dans Eurodac. Les polices auront en effet accès à leurs données biométriques du seul fait qu’elles ont déposé une demande d’asile. Le nouveau portail n’entraîne pas de collecte de données supplémentaires, répond le Conseil fédéral. Il ne constitue donc pas une discrimination. Les textes permettant à la Suisse de reprendre ces nouvelles règles européennes sont actuellement devant le parlement.

1 Le système Dublin est celui qui coordonne l’asile dans l’Union européenne et quatre autres pays: la Suisse, le Liechtenstein, la Norvège et l’Islande.

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