Les entreprises devront mieux identifier leurs ayants droit économiques
Quelles sont celles et ceux qui contrôlent une entreprise? Des efforts d’identification devront être fournis.
Pierre Cormon
Publié jeudi 16 janvier 2025
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#Lutte anti-blanchiment
Un projet en discussion veut imposer des règles plus strictes sur l’identification des ayants droit économiques des entreprises et autres personnes morales.
Qui, derrière les propriétaires officiels, contrôle réellement une entreprise? C’est ce que les autorités suisses veulent savoir avec plus de précision dans le cadre de la lutte anti-blanchiment.
Dans la plupart des cas, cela ne pose aucun problème. Les propriétaires d’une société à responsabilité limitée (Sàrl), ses gérants et ses ayants droit économiques sont généralement les mêmes personnes et leur identité est inscrite au Registre du commerce. La situation peut être plus complexe s’agissant d’une société anonyme (SA) – tous les actionnaires n’ont pas forcément une fonction qui les fait figurer au Registre du commerce. Dans certains cas, la situation est difficile à appréhender, par exemple quand une SA est détenue en tout ou en partie par une autre société basée à l’étranger, dans une juridiction peu transparente, ou si elle est détenue, directement ou non, par un trust.
L’opacité peut favoriser les activités criminelles. Raison pour laquelle le Conseil fédéral a proposé une réforme, au printemps dernier, dans le cadre des efforts internationaux contre le blanchiment d’argent, le contournement de sanctions économiques et le financement du terrorisme. Elle vise notamment à identifier les ayants droit économiques des personnes morales, comme les SA, les Sàrl ou les coopératives. Un registre fédéral sera créé, qui centralisera toutes ces informations.
Registre
Les sociétés de capitaux non cotées doivent déjà tenir un registre des actionnaires (pour les SA) ou des associés (pour les Sàrl), ainsi qu’une liste des ayants droit économiques (pour les SA, Sàrl et coopératives). Si les actions ou parts dépassent 25% du capital ou des droits de vote, leurs détenteurs doivent aussi indiquer le nom et l’adresse des ayants droit économiques. C’est insuffisant, estime le Conseil fédéral. Les sociétés concernées devront dorénavant vérifier ces informations «de manière appropriée». Il n’y aura pas d’obligation de résultat: on ne pourra pas se retourner contre une entreprise dans le cas où les informations sont fausses, si elle a fait les efforts d’identification qu’on pouvait raisonnablement attendre d’elle. L’étendue de cette notion «dépend des circonstances concrètes: une société à actionnaire unique ou une petite PME qui connaît ses actionnaires parce que l’ensemble d’entre eux travaillent pour la société ou sont administrateurs n’aura pas à prendre de mesures supplémentaires pour vérifier leur identité; dans le cas d’une société de domicile détenue par un trust au sein d’une structure internationale complexe, une telle vérification s’avérera en revanche nécessaire», précise le Conseil fédéral.
Simple et gratuit
Les informations seront centralisées dans un registre fédéral. «La procédure d’annonce sera simple, rapide et gratuite», promet le Conseil fédéral. «Il devrait représenter une charge de travail correspondant à une vingtaine de minutes pour la première annonce pour toutes les entreprises dotées d’une structure de gestion et de propriété simple, ce qui devrait être le cas de la grande majorité d’entre elles.»
L’annonce devrait pouvoir être faite à travers le Registre du commerce, dans les cas où tous les ayants droit économiques y sont déjà répertoriés. Ce sera le cas d’une Sàrl typique. Les modifications devront être annoncées dans un délai d’un mois.
Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, le Registre des ayants droit économiques ne sera pas public. Seules y auront accès les autorités dans le cadre de leurs besoins, et certaines personnes extérieures à l’administration, tels que les intermédiaires financiers dans le cadre des obligations de diligence anti-blanchiment.
La Suisse s’adaptera ainsi à un mouvement international. Cent-soixante sept pays (sur cent nonante-six) récoltent des informations sur les ayants droit économiques, dont nonante-quatre à début décembre 2024 ont créé un registre centralisé (ainsi que onze territoires). D’autres pays devraient les imiter, notamment sous l’impulsion du GAFI, un organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
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