Votations du 28 septembre 2025: si la suppression de la taxation de la valeur locative est un objectif à soutenir, mais le projet soumis au vote est mal pensé!
La taxation de la valeur locative, dont la suppression sera soumise au suffrage populaire le 28 septembre, est l’exemple même de l’impôt décrié, avec raison. Il frappe les propriétaires de logement sur un revenu imaginaire – celui qu’ils auraient payé s’ils avaient dû louer leur propre logement. Un peu comme si l’on taxait les jardiniers du dimanche sur la valeur des légumes qu’ils n’ont pas à acheter au supermarché.
Cette bizarrerie n’a pas été introduite pour des raisons de justice fiscale, mais dans le but explicite de renflouer les caisses publiques dans des périodes de crise (en 1915, puis en 1934).
Déductions
En contrepartie, le propriétaire peut déduire un certain nombre de frais, comme les intérêts hypothécaires et les frais d’entretien et de rénovation. L’effet sur le revenu imposable varie beaucoup selon les cantons et les situations. Il peut l’alourdir sensiblement ou le faire diminuer. Le parlement a eu raison de vouloir abolir la taxation de la valeur locative. Emporté par son élan, il est cependant allé trop loin en décidant d’abolir du même coup les déductions qui lui sont liées. Il a même décidé d’abolir les déductions fédérales pour mesures d’économie d’énergie et de protection de l’environnement. Cela toucherait tous les propriétaires, qu’ils habitent leur logement ou non, qu’ils soient des personnes physiques ou des personnes morales – comme une caisse de pension. Or, les travaux d’assainissement énergétique et de remplacement des systèmes de chauffage sont l’un des meilleurs leviers dont nous disposons pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Les collectivités publiques incitent financièrement les propriétaires à en entreprendre à travers différents mécanismes. Le montant qu’ils peuvent économiser varie en fonction de leur situation. Dans un cas typique, l’économie d’impôt peut représenter un tiers du montant des travaux d’assainissement. es résultats de cette politique sont spectaculaires: la consommation d’énergie des bâtiments a baissé de 46% depuis 1990. Cela représente presque deux tiers de la diminution de l’empreinte totale de la Suisse en gaz à effet de serre sur cette période. Autrement dit, si la Suisse est parvenue à baisser son empreinte carbone par habitant de manière significative depuis 1990 (-29%), c’est avant tout grâce à l’assainissement du parc immobilier. Il reste cependant beaucoup à faire, la majorité des bâtiments étant chauffée aux énergies fossiles. Les rénovations énergétiques sont insuffisantes, notamment à Genève. Le canton veut quadrupler leur taux d’ici à 2050.
Contradiction
Supprimer la déduction fiscale dont bénéficient ces travaux reviendrait à défaire de la main gauche ce que l’on fait de la main droite. Le projet prévoit certes que les cantons pourraient continuer à accorder des déductions fiscales pour les mesures d'économie d'énergie et de protection de l'environnement, mais c’est leur faire porter l’entier d’un effort jusque-là partagé, alors que leurs finances ne le permettent pas toujours. Le résultat est prévisible: moins de rénovations, plus d’émissions de gaz à effet de serre. Le secteur du bâtiment souffrira également. L’adoption de la réforme en votation déclencherait une course aux travaux de rénovation. Les propriétaires se précipiteront pour effectuer des travaux et bénéficier des déductions avant leur suppression. Les entreprises auront de la peine à faire face aux commandes et seront incitées à engager à la hâte des personnes qu’elles n’auront pas toujours le temps de bien intégrer. Ou à sous-traiter, avec les problèmes que cela peut engendrer en termes de contrôle de qualité et de respect des règles en vigueur, notamment en matière salariale. Cette bulle éclatera le jour où il ne sera plus possible de déduire ces travaux. Des entreprises verront leur chiffre d’affaires baisser, des travailleurs perdront leur emploi. Certains pourraient être tentés de proposer leurs services au noir, puisque les propriétaires n’auront plus le même intérêt à ce que les travaux soient déclarés. Quant au patrimoine immobilier, il subira peu à peu une dégradation, faute de travaux d’entretien suffisants.
Nein, grazie
La suppression de la taxation de la valeur locative reste un objectif à soutenir, mais pas au détriment de la politique climatique.
Il faudra donc refuser un projet mal pensé le 28 septembre et se remettre au travail.
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