«Une initiative naïve et dangereuse»

Ivan Slatkine, président de la Fédération des Entreprises  Romandes.
Ivan Slatkine, président de la Fédération des Entreprises Romandes.
Pierre Cormon
Publié vendredi 14 novembre 2025
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#Initiative pour l'avenir Taxer les successions et donations de plus de cinquante millions de francs ferait fuir les gros contribuables, au détriment des PME et des classes moyennes. Les Suisses trancheront le 30 novembre.

Taxer les successions et donations de plus de cinquante millions de francs à hauteur de 50% et affecter le produit à la lutte contre le dérèglement climatique: c'est ce que propose l'Initiative sur l'avenir, sur laquelle nous voterons le 30 novembre. L’opinion d'Ivan Slatkine, président de la Fédération des Entreprises Romandes Genève.

Les sondages prévoient un large rejet de l'initiative; vaut-il la peine d'aller voter?
Oui, c'est même extrêmement important, particulièrement à Genève. L'initiative a créé une grande incertitude et a déjà fait des dégâts; il faut rétablir la confiance. Pour cela, l’initiative doit être massivement rejetée à Genève, sans quoi cela pourrait inciter des milieux de gauche à lancer une initiative similaire sur le plan cantonal. Ce serait catastrophique.

Qu'entendez-vous par «a déjà créé des dégâts»?
De grandes fortunes ont quitté la Suisse et d'autres ont renoncé à s'y établir. Or, notre système fiscal est extrêmement pyramidal. A Genève, sept cent onze contribuables génèrent plus d'un cinquième du produit de l'impôt sur le revenu. C'est d'eux que dépend le financement des prestations publiques. Les inciter à partir serait la pire des choses. Sans compter que cela n'aiderait absolument pas le climat.

Le risque n'est-il pas exagéré?
Non, car ils sont extrêmement mobiles, comme le montrent les exemples de la Norvège et de la France. Les Norvégiens se mordent les doigts d'avoir augmenté l'impôt sur la fortune, car ils ont fait fuir de gros contribuables et ont perdu les impôts qu'ils payaient. Depuis que la France parle d'augmenter l'impôt sur les grandes fortunes, les experts fiscaux constatent un intérêt accru de gros contribuables français à s'installer en Suisse.

Quels échos avez-vous des membres de la FER Genève au sujet de cette initiative?
Il y a une quasi-unanimité pour dire qu'il s'agit d'une initiative excessive, absurde, dangereuse et naïve.

Elle ne toucherait pourtant directement qu'une toute petite partie des membres.
Cela revient à dire qu'on pourrait fermer le Pont du Mont-Blanc et l'autoroute de contournement sans conséquences, car cela ne toucherait qu'une toute petite partie des voies de circulation. Ce qui compte, c'est l'apport des personnes concernées aux finances publiques, qui est énorme. Si les gros contribuables s'en vont et que les plus petits ne sont pas en mesure de payer des impôts, c'est la classe moyenne qui compensera le manque à gagner. Quant aux PME qui travaillent avec ces gros contribuables, elles perdront du chiffre d'affaires, de la capacité à investir et à créer des emplois.

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