Le monde horloger entre incertitudes et combativité
Flavia Giovannelli
Publié lundi 22 septembre 2025
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#Evénement
La branche horlogère est très touchée par l’annonce des droits de douane américains.
Les paradoxes n’ont pas manqué lors de cette sixième édition, qui s’est tenue du 4 au 7 septembre dernier. La formule consacrée fonctionne: le rendez-vous, ouvert au public, a rassemblé amateurs et professionnels dans les grands hôtels autour de la rade, les boutiques et le pavillon éphémère de la rotonde du Mont-Blanc pour découvrir les nouveautés.
Depuis son lancement, l’événement séduit par son atmosphère plus informelle que celle des prestigieux salons tels que Watches and Wonders. D’année en année, de plus en plus d’exposants rejoignent les Geneva Watch Days (GWD, voir encadré). Cette fois, cependant, l’ambiance oscillait entre inquiétude et esprit de résistance, à la suite de l’annonce de droits de douane américains de 39 %, frappant de plein fouet une industrie qui avait largement misé sur ce marché ces derniers mois (représentant près de 20 % des exportations horlogères suisses en 2024). Prévoyantes, les marques avaient alimenté massivement leurs stocks aux États-Unis dès le printemps, anticipant autant que possible ce risque. Selon la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH), les exportations vers les États-Unis ont atteint 853 millions de francs en avril, soit plus du double de l’année précédente.
Pour la suite, le maître mot est la flexibilité. Cela peut signifier un basculement vers d’autres marchés – une option envisageable pour certains acteurs dans une industrie globalisée. Nick Hayek, patron du Swatch Group, premier groupe horloger mondial, a exprimé une voix dissonante et plus combative, proposant de taxer l’or – la matière brute – exporté vers les États-Unis. Sa position s’appuie sur le fait que le groupe dispose de stocks très conséquents déjà présents sur ce marché, lui offrant une marge stratégique supplémentaire. Il a aussi souligné que les consommateurs américains pourraient se tourner vers des achats à l’étranger, ce qui finirait par nuire aux détaillants locaux. Cette ligne de défense, discutée lors des GWD, reste néanmoins inaccessible à de nombreux acteurs moins puissants ou moins établis.
Hausse de prix délicate
Si augmentation des prix il doit y avoir, rares sont les marques à l’annoncer ouvertement. Beaucoup avaient déjà revu leurs tarifs pour contrer le franc fort ces derniers mois. Aller plus loin pourrait vite devenir périlleux.
Certains espèrent que Berne obtiendra un alignement sur les tarifs appliqués aux voisins européens: 15 % pour l’UE, 10 % pour le Royaume-Uni. D’autres misent sur la justice américaine, sachant qu’une cour d’appel fédérale à Washington a jugé une partie des taxes illégales, tout en les maintenant provisoirement jusqu’au 14 octobre, en attendant la décision de la Cour suprême.
Dans ce climat d’expectative, on pourrait s’étonner de voir que l’enthousiasme des amateurs de montres ne faiblit pas. Ni celui des créateurs. Certains ont même osé annoncer des lancements. La jeune marque Akhor a ainsi présenté une première collection très aboutie, dotée de cadrans en apesanteur. Entièrement développée en interne, avec des composants suisses, la collection reflète un savoir-faire de haut niveau et vise une clientèle de niche.
Nicolas Delaloye, formé à l’École d’horlogerie de Genève et fort de plus de quarante ans d’expérience, a également dévoilé une pièce unique sur laquelle il travaille depuis plusieurs années, destinée à célébrer plus d’un quart de siècle de création. Un hommage à l’héritage culturel, esthétique et technique transmis au fil des siècles.
En résumé, les GWD se sont conclus dans un climat de combativité affichée, malgré un contexte particulièrement incertain.
L’événement en chiffres
Près de mille neuf cents professionnels de l’horlogerie (mille cinq cents en 2024) sont venus du monde entier, dont près de trois cents détaillants (deux cent cinquante en 2024) et cinq cents médias et influenceurs, parmi lesquels les grandes agences d’information et plusieurs chaînes de télévision.
L’horlogerie représente environ 7% des exportations totales de la Suisse. Près de 17% de la valeur des exportations horlogères est destinée aux États-Unis, soit plus de 4,3 milliards de francs en 2024.
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