Un employé doit-il dédommager son employeur s’il porte atteinte à sa réputation?

Juliette Jaccard
Publié lundi 25 août 2025
Lien copié

#Droit du travail Un employé qui porte atteinte à la réputation de son employeur en divulguant des informations confidentielles à la presse peut-il être tenu de le dédommager?

Un employé qui porte atteinte à la réputation de son employeur en divulguant des informations confidentielles à la presse peut-il être tenu de le dédommager? Telle est la question à laquelle le Tribunal fédéral a récemment dû répondre1.

De quoi s’agissait-il plus précisément?

Les faits

Un journaliste a pris contact avec un ex-administrateur et CEO d’une entreprise car des rumeurs inquiétantes couraient au sujet de la solvabilité du groupe auquel l’entreprise appartenait.

L’ex-employé a alors divulgué au journaliste des informations confidentielles relatives à la solvabilité de son ex- employeur et lui a transmis des courriels internes.

Plusieurs articles ont été publiés dans la presse internationale, portant atteinte à l’image de l’entreprise. Pour lutter contre ces atteintes, l’entreprise a fait appel à des agences de communication, ce qui lui a coûté plus de cent mille francs d’honoraires. Elle a ensuite agi en justice contre son ex- employé en paiement de dommages-intérêts.

Le litige porte donc sur le dédommagement dû par l’ancien administrateur et CEO en raison des frais de conseils que l’employeur a assumés pour préserver sa réputation à la suite des articles parus dans la presse internationale.

Responsabilité de l’employé

Le Code des Obligations (CO) prévoit que le travailleur répond du dommage qu'il cause à l'employeur intentionnellement ou par négligence (cf. art. 321e CO). Pour que la responsabilité du travailleur puisse être engagée et que l'employeur puisse réclamer des dommages-intérêts au travailleur, quatre conditions essentielles doivent être réalisées: l'existence d'un dommage subi par l'employeur, la violation, par le travailleur, d'une obligation contractuelle, le rapport de causalité entre la violation et le dommage et la faute commise intentionnellement ou par négligence par le travailleur.

  • Le dommage subi par l’employeur Le dommage réclamé par l’employeur est le montant des honoraires facturés par les agences de communication qu’il a dû mandater afin de préserver son image. Les juges ont écarté les factures antérieures à la date à laquelle l’ex-employé a transmis les informations au journaliste, ainsi que celles qui étaient muettes sur les périodes qu’elles couvraient pour ne retenir qu’une partie du dommage réclamé par l’employeur.
  • La violation d’une obligation contractuelle L’ex-employé a transmis à un journaliste des informations et notamment des courriels internes frappés du sceau de la confidentialité, dont le journaliste s'est servi pour les articles qu'il a publiés subséquemment. L’ex-travailleur a donc violé le devoir de confidentialité auquel il était tenu en tant qu'employé et administrateur de l’entreprise (art. 321a al. 4 CO et 717 CO) et ce, même après la fin des rapports contractuels.
  • Le rapport de causalité entre la violation et le dommage Les faits et les documents confidentiels révélés à la presse internationale par l’ancien cadre de la société ciblée par les articles étaient propres à provoquer une atteinte à la réputation de celle-ci et à entraîner des frais pour des services destinés à pallier cette atteinte.
    Quand bien même l’ex-employé n'était pas la seule source des articles publiés, ceux-ci n'auraient pas eu un tel tranchant sans les éléments qu'il a dévoilés.
    Il existait donc bien un lien de causalité entre le dommage et la violation par l’ex-employé de son devoir de confidentialité.
  • La faute du travailleur L’ex-employé ne pouvait se prévaloir d'aucun motif justificatif. En effet, il n'a jamais pris contact avec l’autorité pénale dans le but de faire part de comportements qu'il considérait comme pénalement répréhensibles ou immoraux, de sorte que la divulgation d'informations confidentielles commise alors qu'il n'était plus actif au sein de l’entreprise n'avait rien à voir avec du whistleblowing et ne s'apparentait à rien de licite.
    Pour le Tribunal fédéral, la violation fautive par l'employé de ses obligations contractuelles ne fait donc pas débat.
     

Conclusion

L’ex-employé a été condamné à verser plus de vingt-cinq mille francs à son ex-employeur, à titre de réparation du dommage que ce dernier a subi du fait de l’atteinte à sa réputation. En effet, même plusieurs années après la fin du contrat de travail, l’employé doit respecter son obligation de confidentialité.
 

1Arrêt du Tribunal fédéral 4A-159/2024 du 23 avril 2025

insérer code pub ici