En Allemagne, le modèle de la semaine de quatre jours, testé ici et là en Europe et parfois présenté comme un idéal pour régler la question de l’équilibre entre vie professionnelle et privée, a davantage que du plomb dans l’aile.
Le nouveau chancelier Friedrich Merz n’en veut pas. Et le premier syndicat du pays, IG Metall, vient de planter un clou de plus dans le cercueil d’un modèle qui reste très mal perçu par les entreprises alors que gronde la bataille pour la relance de l’économie allemande. Dès sa première déclaration de politique générale, mi-mai dernier, le chancelier conservateur a parlé sans détour: «Nous devons à nouveau travailler plus et surtout plus efficacement dans ce pays. Nous ne pourrons pas maintenir la prospérité avec la semaine de quatre jours et l’équilibre entre travail et vie privée», a-t-il annoncé au Bundestag.
La publication d’une évaluation de l’Institut de l’économie allemande de Cologne (IW), basée sur les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques, est venue alimenter les débats. Selon l’étude, un Allemand (15-64 ans) a travaillé en moyenne 1036 heures en 2023, un Grec 1172 heures, un Suisse 1224 heures et un Polonais 1304 heures. Seul le voisin français travaille un peu moins avec 1026 heures annuelles. Alors que les instituts de conjoncture viennent tout juste de relever leur prévision de croissance pour 2026, une majorité d’entreprises craint les effets négatifs d’une introduction généralisée d’une semaine de quatre jours avec compensation salariale intégrale. Dans un sondage récent réalisé par l’IW, institut proche du patronat, 94% des huit cent vingt-trois entreprises interrogées craignent une baisse de leur rentabilité et de leur compétitivité au niveau international si le modèle est introduit. La semaine de quatre jours ne joue aucun rôle dans les négociations collectives, confirme de son côté Thorsten Schulten, économiste à l’Institut des sciences économiques et sociales, qui dépend du think tank des syndicats allemands, la Fondation Hans Böckler. «Les syndicats ont reconnu que l’axe principal des négociations sur le temps de travail, aussi pour les salariés, est la flexibilité», explique-t-il en évoquant les négociations sur des horaires de travail plus flexibles ou des clauses permettant d’échanger augmentation salariale contre jours de congé. Ce qui va dans le sens du programme de la nouvelle coalition gouvernementale, qui a placé la flexibilisation du temps de travail au centre de son programme.
Berlin veut prochainement adopter la suppression de la journée de travail de huit heures au maximum pour la remplacer par la règle européenne minimale d’un temps de travail hebdomadaire de quarante-huit heures. Dans ces conditions, la présidente d’IG Metall, Christiane Benner, a fait savoir que son organisation abandonnait officiellement le combat pour la semaine de quatre jours. «La semaine de quatre jours avec compensation salariale intégrale ne figure actuellement plus sur la liste des revendications syndicales pour les négociations collectives», a-t-elle confirmé fin mai dans les pages du quotidien Bild Zeitung. Selon elle, cette décision ne rend pas le modèle moins pertinent.
«Mais la réalité est que nous observons une situation économique très tendue dans les entreprises. Pour l’instant, ce sont les employeurs qui réduisent le temps de travail au détriment des salariés», a-t-elle expliqué en faisant référence aux mesures de chômage partiel et de réduction des effectifs qui touchent particulièrement l’industrie. Alors, que la semaine de quatre jours «repose en paix»? Frank Werneke, patron du grand syndicat des services Verdi, n’est pas de cet avis pour son secteur. «Au vu de la charge de travail élevée et persistante - physique et psychique - par exemple dans le secteur des soins ou dans celui des crèches, un allègement de la charge de travail, notamment par des jours de congé supplémentaires, reste pour nous en tête de l’ordre du jour.» Reste que le secteur tertiaire allemand souffre bien plus que d’autres de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et que le départ en retraite de seize millions de salariés d’ici à 2030 ne plaide pas pour une résurrection de la semaine de quatre jours.
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