Exit le Tarmed, bonjour le Tardoc

Opération en cours à la Clinique de la Main Genève.
Opération en cours à la Clinique de la Main Genève. Loris von Siebenthal
Steven Kakon
Publié vendredi 10 janvier 2025
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#Médecine Sous réserve d’un rebondissement inattendu, le Tarmed sera remplacé par le Tardoc en janvier 2026. Les médecins restent vigilants.

L’annonce du 22 octobre dernier marque une victoire: un pas important est franchi avec l’approbation du nouveau système tarifaire global composé du Tardoc et des forfaits ambulatoires en remplacement du Tarmed. L’Organisation tarifaire nationale ambulatoire des fournisseurs de prestations et des assureurs (OTMA) l’a validé, mais était encore dans l’attente de l’approbation de la Fédération des médecins suisses (FMH), divisée, qui a finalement approuvé le paquet le 31 octobre, avec des réserves. Celui-ci doit encore être validé par le Conseil fédéral. La réforme du Tarmed, objet de la discorde, a été au centre d’une bataille sans merci entre médecins, assureurs et hôpitaux. Il s’agit de la structure tarifaire qui sert au décompte des prestations médicales ambulatoires avec un tarif à la prestation et au temps dans les cabinets médicaux et dans les hôpitaux. Elle attribue un certain nombre de points qui servent à facturer les prestations ambulatoires à charge de l’assurance obligatoire des soins. Le nombre de points tarifaires associés à chaque prestation représente les coûts attribués à une prestation. Plus celle-ci est coûteuse, plus le nombre de points tarifaires est élevé. Cela concerne les positions tarifaires qui incluent une intervention fixe, à laquelle est associée un minutage. Il existe aussi des prestation qui sont facturées en fonction du temps consenti pour les fournir.
Problème: cette grille tarifaire, «dépassée et totalement inadaptée» selon la FMH, n’a pas changé depuis son entrée en vigueur en 2004, ce que les médecins dénoncent depuis très longtemps, car il avait été décidé et promis que cette structure allait être réadaptée après deux ans de neutralité des coûts. Le Tarmed est dépassé depuis longtemps et n’est plus représentatif de la situation en matière de fourniture de prestations médicales ambulatoires, chiffrées entre douze et treize milliards de francs par an. Ces frais de prestations médicales ambulatoires sont répartis entre un peu plus de 60% pour l’ambulatoire en cabinet et à plus de 35% pour l’ambulatoire à l’hôpital, rapporte curafutura, association faîtière des assureurs maladie suisses. Avec les évolutions techniques, certains soins sont désormais plus rapides et moins chers à effectuer qu’à l’époque, mais continuent à être facturés avec la même durée que dans la tarification de 2004, ce qui cause des aberrations.

Janvier 2026

La nouvelle grille tarifaire est donc attendue de pied ferme. Médecins, hôpitaux et assureurs ont dû s’asseoir à la table des négociations, qui se sont révélées ardues. N’ayant pas réussi à s’entendre sur la forme du futur tarif, ils ont soumis deux projets distincts au Conseil fédéral en décembre 2023, à savoir le Tardoc et un système de forfaits. Face au blocage, ce dernier a tranché en juin dernier en faveur d’un système mixte de tarification médicale qui entrera en vigueur le 1er janvier 2026. Concrètement? Le Tardoc est le nouveau tarif à la prestation qui remplacera le Tarmed et qui concernera les médecins en cabinet. Les examens simples continueront d’être facturés au moyen du tarif à la prestation. «La structure est simplifiée, puisqu’on passe d’environ cinq mille à deux mille positions tarifaires», indique Michel Matter, président de l’Association des médecins de Genève.
De l’autre, des forfaits, une centaine environ, particulièrement adaptés aux prestations hautement standardisées et coûteuses et surtout utilisées dans les hôpitaux, avec un montant fixe pour rémunérer une opération en ambulatoire, par exemple.
Un travail de coordination a été nécessaire pour que les deux tarifs puissent être intégrés dans la même structure et s’assurer que les coûts n’explosent pas, tâche confiée à l’OTMA. Sa mission était d’élaborer un contrat avec tous les partenaires tarifaires, avec une date butoir fixée au 1er novembre 2024. Mission réussie, mais qui s’est révélée plus que laborieuse. Pourquoi? «Sa complexité est notamment due au très grand nombre de positions tarifaires. Un tarif que l’on bouge d’un côté ou de l’autre implique parfois un changement sur d’autres positions tarifaires, car le système est très corrélé», confie Loïc Mühlemann, responsable communication du Groupe Mutuel. Les blocages ne tiennent-ils qu’aux tarifs? «In fine, oui», rétorque Michaël Papaloïzos, chirurgien à la Clinique de la Main Genève.

Des spécialistes montent au front

Considéré comme plus juste, ce nouveau système permettra de simplifier la facturation et de maîtriser l’augmentation des coûts. Les frais de santé et les primes maladie vont-ils baisser?, était interrogée Elisabeth Baume-Schneider à l’émission de la RTS Forum le 22 octobre. La Conseillère fédérale préfère parler de «maîtriser le système global, car certaines prestations sont actuellement trop facturées ou pas assez, si on pense aux médecins de premiers recours». Pour ces derniers, les tarifs actuels «ne correspondent pas à la prise en charge qu’ils offrent», concède la Conseillère fédérale. Le nouveau tarif «doit être neutre (…) et ainsi remettre de l’équité». Bref, pas de diminution de coûts à l’horizon. «Il y aura des gagnants et des perdants», résume Michel Matter, qui perçoit néanmoins cette avancée comme «indispensable, à laquelle nous devons rester attentifs aux tenants et aux aboutissants». En effet, si la FMH salue le projet, une minorité de ses membres n'en veut pas, d’où le référendum lancé à l’interne. «Les sociétés de discipline n’ont pas été consultées. Or, elles ont de réelles interrogations», signale-t-il. Les spécialistes appréhendent la nouvelle structure tarifaire puisque leurs tarifs baisseront au profit de la médecine de premier recours qui sera, elle, valorisée. «La FMH prend des décisions à la majorité, surtout constituée de médecins de premier recours, sans les spécialités», souligne Michaël Papaloïzos. La Clinique de la Main, dont il est un des associés, fait partie des sept sociétés à l’origine du référendum. «Les décisions qui ont été prises sont exclusivement basées sur des statistiques ambulatoires hospitalières qui ne correspondent pas à celles des cabinets dans le privé», poursuit-il. Et de conclure: «Ce référendum, c’est une manière d’obliger la FMH à changer ses règles du jeu».

«Urgent»

Réunie le 31 octobre, la FMH a finalement neutralisé le référendum des sept sociétés de disciplines. Les délégués de la fédération ont déclaré «urgente» la décision concernant le paquet global du système tarifaire ambulatoire et la convention d'accompagnement du 22 octobre. Cette décision d'urgence a rendu le référendum sans objet. La FMH indique ainsi soutenir le paquet tarifaire, tout en réclamant le remaniement des forfaits inappropriés.

Considérés de façon plus correcte

La FMH qualifie le remplacement du Tarmed par le Tardoc d’«urgent» pour les pédiatres, les médecins de famille et les psychiatres, notamment. Ces médecins, dits de premier recours, sont en effet désavantagés. «Nous n’avons quasiment pas de gestes techniques facturables et le temps passé avec les patients et pour la coordination avec les soignants et les familles n’est pas adéquatement rémunéré», fait savoir Didier Châtelain, président de l'Association des médecins de famille à Genève. «Espérons qu’avec cette réforme, les médecins de premier recours seront enfin considérés de façon plus correcte.» Et de reprendre: «Les médecins de famille demandent depuis longtemps qu’un chapitre du Tardoc soit dédié à leur spécialité, car c’en est une». C’est chose faite: «Dans le Tardoc, les médecins généralistes et les pédiatres ont leur propre chapitre», confirme une communicante de la FMH. «Dans le même temps, les exigences de neutralité des coûts ne doivent pas conduire à devoir compenser une forte hausse inattendue des coûts dans le domaine de la médecine spécialisée ou des services ambulatoires des hôpitaux au détriment des soins de premier recours.» L’organisation faîtière entend aussi garantir une «sécurité de la prise en charge médicale». C’est-à-dire? «Avec les forfaits ambulatoires partiellement existants et inappropriés, il peut y avoir un risque qu’en raison d'une forte sous-couverture des coûts, certaines prestations ne soient plus proposées. Cela mettrait en danger la prise en charge médicale de traitements», explique la communicante. Santésuisse, représentant de la branche des assureurs maladie suisses, et H+, l’organisation nationale des hôpitaux, cliniques et institutions de soins publics et privés, soutiennent aussi le futur tarif médical commun. Les deux fédérations «regrettent néanmoins que seule une partie des forfaits soumis ait été approuvée», écrivent-elles dans un communiqué, considérant qu’«il subsiste donc un important potentiel pour des forfaits supplémentaires».

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