Les jeux vidéo peuvent aider les ressources humaines

On peut cerner la personnalité d'un joueur.
On peut cerner la personnalité d'un joueur.
Vincent Malaguti
Publié le mercredi 30 août 2023
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#Recrutement «Ce n’est pas en jouant aux jeux vidéo que tu trouveras du travail.» A l’instar de ces loisirs, cette affirmation traverse les décennies. Faute de preuves, il était difficile de donner tort à son interlocuteur. Sauf que les temps ont changé.

Les jeux vidéo sont de plus en plus présents dans le monde du travail. Manpower les utilise pour un test de compétence: game2work. Il permet à une personne d’insérer ses jeux favoris, sa fréquence de jeu et son temps de pratique dans un formulaire. Une fois ces informations données, elle reçoit une attestation indiquant les compétences acquises par la pratique des jeux mentionnés. Ce même document donne des pistes sur les opportunités professionnelles liées au développement de ces qualifications. Autre exemple: l’utilisation des procédés de gamification dans la formation continue ou pour travailler l’employabilité. Il existe aussi des jeux vidéo dédiés aux recrutements dans un domaine particulier. C’est le cas de celui de la société française Skilleo.

Une aide plus qu’un remplacement

Les jeux vidéo sont un atout pour le monde du travail. Les recherches de Daphné Bavelier, neuroscientifique et professeure à l’Université de Genève, le montrent. Ces divertissements permettent d’identifier un profil, de cerner la personnalité des candidats ou leur capacité à travailler en équipe. La neuroscientifique assure cependant que les jeux vidéo ne remplacent pas le travail des ressources humaines, mais qu’ils peuvent les aider dans la prise de décision.

Christian Oberson, président de HR Genève, l’association des professionnels des ressources humaines, partage cette affirmation. Ce sont selon lui des outils intéressants pour recruter plus objectivement ou identifier un profil. En d’autres termes: une manière de repérer un talent qui aurait été écarté par un processus de recrutement plus traditionnel, alors que la Suisse connaît actuellement des pénuries dans plusieurs secteurs. «Mais cela reste un outil! Ce sont les compétences de définition du profil recherché, et de lecture des résultats des différents tests qui feront toujours la différence. Avec l’aide ou non de l’IA», soutient-il.

Un certain nombre de limites

«Cela ne doit pas régir l’ensemble du recrutement, ni être la solution à tous les problèmes», explique-t-il. L’échange doit rester important pour vérifier les compétences des candidats. «Déceler d’éventuels futurs problèmes de collaboration avec les autres membres de l’entreprise ne peut pas être décidé par une technologie», complète-t-il.

Parmi d’autres limites à l’introduction des jeux vidéo dans les recrutements: les recruteurs ou les représentants des ressources humaines n’en sont pas tous des adeptes. Certains d’entre eux ne valident pas le procédé, voire n’accordent pas de sérieux aux résultats de ces tests. Le recrutement doit rester «une rencontre, et son efficacité vient de la volonté mutuelle de se connaître et de se reconnaître, pas d'un rapport de force, ni d'outils, aussi innovants soient-ils», estime Christian Oberson.

Daphné Bavelier pointe le risque de dissonances cognitives, notamment pour les générations à venir. «Le monde des jeux vidéo évoluera dans la décennie à venir, et cela aura aussi un impact sur le monde du travail. Les jeunes générations, nées dans les années 2010, auront connu un monde virtuel dès leur premier âge. Feront-ils la même distinction que leurs ainés entre réalité et virtuel?», s’interroge la scientifique. «L’introduction des jeux vidéo dans le recrutement est un nouveau défi pour les ressources humaines, qui vont devoir continuer à s'adapter», conclut Christian Oberson.

Le jeu vidéo, un sujet complexe

Les rapports entre les deux mondes ont intéressé Daphné Bavelier, neuroscientifique et professeure à l’Université de Genève. Elle est l’une des premières scientifiques francophones à s’être penchée, il y a une vingtaine d’années, sur l’influence des jeux vidéo sur les capacités cognitives et la plasticité cérébrale. «Un étudiant jouait à ce genre de jeu. Lors d’études pilotes qui mesuraient les capacités attentionnelles, son attention était si bonne que nous pensions qu’il y avait une faute dans notre logiciel pour tester l’attention», explique-t-elle.
Depuis, ses recherches ont mis en évidence que «tous les jeux vidéo ne se valent pas». Le support fait aussi une différence. «Les jeux vidéo sur téléphone n’ont pas les mêmes effets sur l’attention que ceux sur console ou en réalité virtuelle. Les jeux de simulation sont plus faciles à contrôler, car plus scénarisés.» Ceux-ci sont donc plus aisément adaptables à des objectifs pédagogiques. D’autres jeux vidéo permettent de plonger l’individu dans une expérience très riche et donc «de mieux identifier leurs capacités cognitives, émotionnelles, ou motivationnelles, si tant est que le design du jeu permette de coder ces éléments.»

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