Du CO2 genevois stocké dans du béton

Le projet pilote capte les émissions d’une septantaine de Genevois.
Le projet pilote capte les émissions d’une septantaine de Genevois. Yves Bussard
Pierre Cormon
Publié vendredi 23 mai 2025
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#Développement durable SIG et l’entreprise neustark captent du CO2 dans une station d’épuration et le valorisent, notamment en l’injectant dans des granulés pour béton recyclé.

Peu de Genevois se doutent qu’en tirant leur chasse d’eau, ils constituent un maillon d’une chaîne qui permet de capter et de stocker du CO2 de manière durable. Services industriels de Genève (SIG) a lancé un projet pilote en ce sens, avec l’entreprise bernoise neustark.

La station d’épuration d’Aïre produit près de huit millions de mètres cubes de biogaz par année à partir des boues d’épuration des eaux usées (soit un peu moins de 1% de la consommation de gaz naturel du canton). Il est utilisé partiellement sur place, et le reste est injecté dans le réseau.

CO2 biogénique

SIG extrait du CO2 de ce biogaz pour en améliorer la qualité, dans une installation qui trie les molécules en fonction de leur taille. C’est ce qu’on appelle du CO2 biogénique – il vient de la biomasse et non de la combustion d’énergies fossiles. Il est donc considéré comme neutre du point de vue du climat (le végétal l’a absorbé de l’atmosphère auparavant).

Jusque-là, il était intégralement rejeté dans l’atmosphère. Le projet pilote, lancé en 2024, en capte une partie et le liquéfie. Cela représente mille cinq cents tonnes par année, soit les émissions d’environ cent vingt habitants. On considère qu’il s’agit d’émissions négatives, puisqu’on retire du CO2 biogénique. «Si l’essai est concluant, les quantités de CO2 captées pourraient être multipliées par trois ou quatre», estime Frédéric Schulz, directeur eau potable et gaz à SIG.

Prix variable

Le CO2 est vendu à neustark à un prix variable – généralement autour de cent francs la tonne. Il peut ensuite être utilisé dans l’industrie alimentaire ou dans des serres pour stimuler la croissance des plantes. «On peut aussi le stocker dans des produits», remarque Sophie Dres, chief marketing officer de neustark.

La jeune entreprise a ainsi développé un procédé pour l’intégrer dans des granulats, qui peuvent être utilisés dans des revêtements routiers ou du béton recyclé. ll y est fixé d’une manière stable, même si l’ouvrage dans lequel il est incorporé est démoli. Le procédé est appliqué par des partenaires telles que PQR Béton, à Gland, ou Kästli, à Berne.

«Le coût de production du béton enrichi en CO2 est légèrement supérieur, de quelques francs, à celui d’un autre béton recyclé», remarque Frédéric Michoud, directeur de PQR Béton. L’entreprise espère cependant faire disparaître cette différence à terme, grâce à des économies d’échelle et aux efforts de recherche et développement. Quant à la qualité, elle est garantie par les normes SIA, auquel le produit doit être conforme.

Trois sites

Trois sites de captage fournissent actuellement du CO2 à neustark. Il s’agit de stations d’épuration à Genève, à Berne et à Dresde. Plusieurs autres sites devraient être mis en service cette année en Suisse, en France et en Allemagne.

Les quantités stockées sont encore modestes: 3889 tonnes nettes de CO2, soit l’empreinte carbone de près de trois cents Suisses. neustrak espère cependant stocker un million de tonnes nettes d’ici à 2030, soit l’empreinte carbone de sept-ante-huit mille Suisses. L’entreprise finance ses activités grâce à des certificats d’élimination du carbone vendus à des clients tels que la Banque cantonale de Zurich, ainsi que sur des licences prélevées auprès des entreprises utilisant sa technologie de fixation du CO2 dans des granulats.

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