Passoire à CO2 hightech

L’EPFL développe des membranes en graphène qui permettent de séparer le CO2 dans des dispositifs de petite taille, flexibles et très solides.
L’EPFL développe des membranes en graphène qui permettent de séparer le CO2 dans des dispositifs de petite taille, flexibles et très solides. Illustration K .V. Agrawal (EPFL)
Pierre Cormon
Publié vendredi 23 mai 2025
Lien copié

#Développement durable Une passoire à molécules de CO2.

Vous versez le contenu de votre casserole dans une passoire. L’eau passe, les spaghettis restent. L’une des approches permettant de capter le CO2 fonctionne selon un principe analogue: des membranes sont percées de petits trous qui ne laissent passer que la molécule. Les autres substances restent de l’autre côté, comme les spaghettis.

Plusieurs matériaux sont utilisés pour fabriquer ces dispositifs: souvent des polymères, mais aussi des métaux ou de la céramique. L’EPFL met pour sa part au point des membranes utilisant un matériau aux propriétés exceptionnelles: le graphène. «Il est constitué d’une seule couche d’atomes de carbone», explique Ceren Kocaman, assistante doctorante à la Chaire Gaznat en séparation avancée de l’EPFL. «C’est le matériau le plus fin au monde, mais aussi le plus solide.»

Avantages

Son emploi présente plusieurs avantages. Sa minceur permet de construire des dispositifs de taille limitée – de l’ordre d’un container maritime pour une installation industrielle. Le procédé est très rapide. «C’est comme un filtre à café», illustre-t-elle. «S’il est trop épais, il faudra beaucoup de temps pour que votre café soit prêt.» Avec le graphène, le filtrage est quasi instantané. Il est très malléable – la forme des films peut être adaptée à la configuration de l’installation. Il ne se dégrade pas à l’usage – c’est plutôt le support sur lequel il est posé qui détermine la durée de vie du dispositif. Le procédé fonctionne très bien lorsque le CO2 se trouve dans des fumées industrielles mélangées – ce qui n’est pas le cas de toutes les techniques. Il peut être utilisé pour filtrer d’autres gaz – il suffit d’ajuster la taille des trous.

Difficile à manier

La mise au point de membranes utilisables à l’échelle industrielle représente cependant un défi. Le graphène, de par son extrême minceur, est difficile à manipuler. Il faut percer à sa surface des orifices de la taille exacte des molécules de CO2, puis transférer le film de graphène sur un support mince, solide et flexible.

L’EFPL a commencé par construire des membranes de la taille d’un ongle. Celles qui sont actuellement testées mesurent cinquante centimètres carrés. L’objectif est de construire des membranes se mesurant en mètres carrés. Les premières projections montrent que capter une tonne de CO2 avec cette technologie devrait coûter entre cinquante et cent trente euros, en fonction des conditions. Cela sera-t-il rentable? Cela dépendra notamment du prix de la taxe sur le CO2 que devront payer ceux qui le relâchent dans l’atmosphère.

Azote clandestin

Le degré de pureté du CO2 capté est de 90% à 95% - des atomes d’azote parviennent à se glisser à travers la membrane. «On peut augmenter le degré de pureté en ajoutant d’autres membranes, mais cela accroît le coût», note Ceren Kocaman. L’opportunité de le faire dépendra de la demande en CO2 pur et du prix que cette substance atteint sur le marché.

Une start-up a été fondée pour commercialiser la technologie: Divea. Elle vise notamment les plateformes pétrolières et l’industrie lourde. «Nous atteindrons l'échelle commerciale vers 2029», note Karl Khalil, son CEO. «L'objectif est de capturer plus de cent millions de tonnes de CO2 par an d'ici à 2040.» Cela représenterait 90% de l’empreinte carbone de la Suisse.

insérer code pub ici