Les rivières suisses en sursis à l’heure du changement climatique

La Seymaz coule notamment dans la réserve naturelle de Sionnet sur le territoire des communes de Meinier et de Choulex.
La Seymaz coule notamment dans la réserve naturelle de Sionnet sur le territoire des communes de Meinier et de Choulex. Patou Uhlmann/notre Histoire.ch
Flavia Giovannelli
Publié vendredi 03 octobre 2025
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#Qualité des eaux Un programme scientifique de la Confédération met en évidence une situation contrastée et avertit des dangers pour la biodiversité.

L’agriculture, le réchauffement climatique et les micropolluants – dont les fameux PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) – représentent aujourd’hui les principaux points noirs pour les rivières suisses. Les poissons et les plantes aquatiques en subissent de plein fouet les conséquences, surtout là où l’être humain s’est installé et exploite intensivement les terrains riverains. Dans de nombreuses stations de mesure, on relève aussi des déchets, de la mousse et des odeurs.

Si les pouvoirs publics ne restent pas inactifs, les efforts doivent être poursuivis et renforcés. Depuis une vingtaine d’années, des programmes fédéraux et cantonaux, en particulier le programme NAWA (lire ci-dessous), s’emploient à restaurer les cours d’eau. L’objectif est de contrer les multiples effets liés à la dégradation de la qualité des eaux de surface. À long terme, il s’agit de recréer des conditions proches de l’état naturel: offrir des habitats diversifiés, limiter la pollution et restaurer les fonctions écologiques des rivières.

Ces mesures profitent non seulement à la nature, mais aussi à l’être humain, en favorisant les activités récréatives et en générant de nouveaux emplois. La quatrième campagne de mesures, menée en 2023 et publiée en août 2025, montre pourtant que la vie dans les cours d’eau demeure sous forte pression. Les espèces cryophiles comme l’omble, la truite ou le chabot se raréfient. Une majorité des cours d’eau du Plateau ne remplissent plus pleinement leur rôle d’habitat pour la faune et la flore. Plus de 50% des espèces vivant dans et autour de ces milieux sont menacées ou ont déjà disparu. Les poissons jouent ici un rôle d’indicateur précieux, leur longévité et leur sensibilité permettant de mesurer avec finesse l’état des écosystèmes aquatiques.

Mesures à prendre

Beaucoup reste à faire pour améliorer la santé des cours d’eau et la survie des espèces qui y vivent. Parmi les priorités: accroître l’efficacité de l’épuration des eaux usées, aménager les berges dans un esprit de naturalité, rendre les centrales hydroélectriques franchissables pour les poissons et limiter la pollution liée aux produits phytosanitaires. «Des améliorations peuvent toutefois être constatées localement, par exemple en aval des tronçons revitalisés», nuance Dorine Kouyoumdjian, chargée d’information à l’Office fédéral de l’environnement. Elle rappelle que la mise en œuvre cohérente de la loi sur la protection des eaux reste déterminante. Celle-ci prévoit notamment l’équipement de certaines stations d’épuration avec un traitement supplémentaire contre les micropolluants, la revitalisation de quelque quatre mille kilomètres de cours d’eau aménagés et l’attribution d’un espace plus large aux rivières. Quant aux effets négatifs liés à l’exploitation hydraulique, ils doivent être réduits d’ici à 2030.
 
Parallèlement, la loi fédérale sur la réduction des risques liés à l’utilisation de pesticides (2021) impose de diminuer de 50% les risques pour les eaux de surface d’ici à 2027, en comparaison avec la période 2012-2015. Les prochaines décennies devront aussi voir la revitalisation de nombreux tronçons et la mise en place, par les cantons, de l’espace réservé aux eaux, garantissant une meilleure protection des rives.
 
À Genève, les efforts sont déjà visibles. Le canton fait figure de pionnier en matière de renaturation. Située au cœur du quartier du PAV, la Drize, autrefois souterraine, est en pleine renaissance. En novembre 2025, elle s’écoulera de nouveau à ciel ouvert sur près de 2,7 kilomètres, après des décennies passées sous terre. Le projet complet, qui s’étendra sur une vingtaine d’années, prévoit aussi la jonction avec l’Aire et divers aménagements favorisant la biodiversité tout en limitant les risques de crues. Les habitants profiteront d’un nouvel espace de vie, grâce à la végétalisation des rives.

NAWA?

Le programme d’observation nationale de la qualité des eaux de surface (NAWA), piloté par l’Office fédéral de l’environnement en collaboration avec les cantons, permet d’évaluer scientifiquement l’état des cours d’eau et de détecter rapidement les tendances émergentes. Ses résultats constituent une base essentielle pour orienter la politique suisse en matière de protection des eaux.

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